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Viande avariée au Brésil: les dessous d'une inspection de supermarché

Sept agents poussent deux caddies bien remplis, mais pas question de passer à la caisse: cette équipe d'inspecteurs vient de contrôler un supermarché de Rio de Janeiro peu à cheval sur la qualité de ses produits, alors que le Brésil est secoué par un scandale de viande avariée.

"On va tout détruire", assure un inspecteur, littéralement sur le pied de guerre.

Une guerre qui a éclaté en fin de semaine dernière, quand la police fédérale a démantelé un vaste réseau de corruption impliquant de grandes entreprises du secteur agro-alimentaire ayant soudoyé des agents des services d'hygiène pour certifier de la viande avariée comme étant propre à la consommation.

Les inspecteurs de Rio ne prennent pas part à l'enquête sur les grosses usines de transformation de viande - 21 d'entre elles sont mises en cause - mais sont chargés de contrôler les commerces.

En temps normal, ils effectuent trois contrôles inopinés par semaine, vérifiant tous types de produits. Depuis que le scandale a éclaté, les inspections sont quotidiennes et ciblent tout particulièrement la viande.

- Des poils sur la couenne -

Dans le Mega Market du centre de Rio, les sept agents en uniformes bleus n'ont besoin que de quelques minutes pour constater les premières infractions.

Ils commencent par pénétrer dans la chambre froide, où sont conservées une vingtaines de pièces de bœuf suspendues à de gros crochets.

Alors qu'ils prennent des notes et une quantité de photos, le gérant du supermarché, visiblement pas très à l'aise, shoote discrètement dans un morceau de viande pour l'expédier dans un coin.

Sur les étalages du rayon boucherie, la situation n'est pas plus reluisante. "C'est tout sale ici", remarque l'un des inspecteurs, qui, comme les autres, a préféré garder l'anonymat.

"Il y a une mouche morte ici", montre un autre. "L'étalage est trop plein", renchérit un troisième.

Un autre agent mesure la température ambiante, thermomètre au point, avant d'observer: "il y a encore des poils sur cette couenne de porc".

Il ne reste plus qu'aux employés à retirer de gros morceaux de bœuf et de porc de l'étalage, direction le caddie des inspecteurs.

Mais le pire reste à venir. Dans la section des surgelés, le congélateur ne fonctionne pas correctement et les inspecteurs retirent sur le champ une centaine d'emballages.

- 'Effrayant' -

Un employé du rayon boucherie révèle que les ventes ont chuté de 30% depuis l'annonce du scandale de viande avariée. "D'habitude, il y a de longues files d'attente", raconte-t-il, alors qu'une poignée de clients fait la queue devant son comptoir.

Pendant ce temps-là, Maria Rocha, assistante maternelle de 42 ans, fait les courses avec deux enfants. Elle est loin d'être rassurée.

"Quand j'ai vu les inspecteurs, je me suis dit 'Oh, non!'. On mangeait beaucoup de viande rouge, mais avec ce qu'on a vu aux infos, on mange plutôt du poulet, c'est plus sûr", affirme-t-elle.

Heureusement, elle ne voit pas que, derrière elle, les agents sont justement en train d'inspecter les volailles. Un paquet de filet de poulet pané censé être congelé n'a pas la consistance espérée: il atterrit directement dans le caddie de produits destinés à la destruction.

"C'est effrayant", s'émeut Marco Aurelio Mello, magasinier de 48 ans. "Normalement, on a confiance, mais si on ne peut pas acheter les aliments ici, on les achète où?", se demande-t-il.

Comme beaucoup de Brésiliens, il est choqué par ce scandale qui touche de plein fouet un des secteurs clés de l'économie.

Premier exportateur mondial de viande, le géant sud-américain fait face ces derniers jours à de nombreuses restrictions imposées par certains pays, y compris ses principaux acheteurs, la Chine et Hong Kong.

Malgré tout, Marco Aurelio Mello ne se laisse pas aller: "samedi, je fais un barbecue pour l'anniversaire de mon petit-fils".

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