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Autriche: la gauche happée par un "tsunami" avant les législatives

La campagne pour les législatives autrichienne est prise en pleine convulsion, à huit jours du scrutin, après des révélations qui secouent le parti social-démocrate (SPÖ) au pouvoir mis en cause dans une occulte opération de calomnies contre le favori des sondages.

"Débâcle", "catastrophe industrielle", "torrent de boue": les titres qui claquent en Une des tabloïds sont aussi lapidaires que l'affaire éclaboussant l'entourage du chancelier Christian Kern apparaît complexe.

Elle met en cause des membres de l'équipe de campagne du SPÖ soupçonnés d'être impliqués dans une campagne de diffamation du favori de l'élection, Sebastian Kurz, 31 ans, jeune ministre des Affaires étrangères conservateur (ÖVP) au sein de la grande coalition qui dirige le pays.

Deux fausses pages Facebook sont apparues durant la campagne, colportant des ragots à propos de l'étoile montante de la politique autrichienne, avec les codes visuels racoleurs et les montages grossiers désormais typiques des "fake news".

L'ensemble avait sa logique: le compte "Tout sur Sebastian Kurz", aux relents xénophobes et antisémites, était destiné à détourner du candidat conservateur les partisans de l'extrême droite en présentant le ministre comme un "immigrationiste", prêt à ouvrir les frontières du pays.

L'autre compte visait davantage à dissuader les modérés et libéraux de voter pour M. Kurz. Ce dernier, devenu en mai patron des conservateurs, fait la course en tête avec une constance et une avance qu'une cinquantaine de débats télévisés -un record pour une campagne législative- n'ont jamais infléchies.

Les témoignages et indices qui se succèdent depuis cinq jours pointent les agissements de proches de l'équipe de campagne sociale-démocrate, laissant les commentateurs politiques pantois.

- Ligne rouge -

"Nous nous somme réveillés au coeur d'un tsunami", a reconnu lundi un des cadres du SPÖ. Deux jours plutôt, après les premières révélations, le numéro 2 du parti et directeur de la campagne, Georg Niedermühlbichler, avait annoncé sa démission.

Le chancelier a vigoureusement démenti toute implication, qualifiant l'opération anti-Kurz d'"immorale" et "incroyablement stupide".

L'affaire éclate avant une élection que le SPÖ avait déjà quasiment perdu espoir de remporter, bataillant pour décrocher la seconde place également convoitée par le FPÖ, la formation d'extrême droite. Un objectif qui semble aujourd'hui lui-même compromis.

"Kern n'a plus aucune chance", a tranché le chef d'un des principaux instituts de sondage, Wolfgang Bachmayer, dans le quotidien Kurier. "Quand on ne tient même pas son parti en main, comment peut-on prétendre diriger le pays?", ajoute impitoyablement l'analyste.

La plupart des journaux n'ont pas de qualificatifs assez sévères à l'égard du chef de l'exécutif pour s'être laissé entraîner dans une collaboration avec un conseiller en stratégie israélien, Tal Silberstein, soupçonné d'être à l'origine des fausses pages Facebook.

Le consultant était déjà affligé d'une réputation sulfureuse et recherché en Roumanie pour une vaste escroquerie présumée lorsque le SPÖ a passé contrat avec lui au début de l'année.

Il aurait monté l'offensive anti-Kurz avec une petite équipe travaillant en marge du parti.

L'affaire se double depuis jeudi d'accusations envers l'ÖVP qui aurait proposé de l'argent à un membre de cette équipe pour qu'il dévoile ses agissements.

Le chancelier "a-t-il vraiment pensé qu'il suffisait de demander à M. Silberstein de ne pas franchir la ligne rouge pour que celui-ci s'exécute?", s'agace un éditorialiste alors que l'homme était connu pour ses méthodes de campagne peu orthodoxes.

Le SPÖ a renvoyé Tal Silberstein en août lorsqu'il a été interpellé en Israël dans une enquête internationale sur des faits présumés de blanchiment.

La déception des analystes est à la mesure de l'attente que l'arrivée du chef du gouvernement avait suscité en mai 2016. Son prédécesseur avait jeté l'éponge après la déconfiture du candidat social-démocrate au premier tour de la présidentielle.

Extérieur au sérail politique, manager respecté après six ans à la tête du rail autrichien, télégénique aux méthodes de communication innovantes, Christian Kern devait redonner du souffle au parti affaibli, sur fond de crise des gauches européennes.

La tâche s'est avérée plus ardue que prévu au sein d'une formation dont il n'a pas pu réconciler les clans et les tendances: libérale et attachée à la lutte des classes, ferme sur l'immigration et pro-réfugiés, pour ou contre un dialogue avec l'extrême droite qui pourrait entrer au gouvernement après les législatives.

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