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Bulgarie: législatives indécises sous l'œil de Moscou et d'Ankara

Les socialistes bulgares, tentés par un rapprochement avec Moscou, espèrent ravir le pouvoir à l'insubmersible conservateur Borissov, maître de la scène politique nationale, lors d'élections législatives dimanche marquées par une surenchère patriotique.

Le Premier ministre sortant Boïko Borissov, de centre-droit et pro-européen, a démissionné en novembre, deux ans avant la fin de son mandat, en faisant le pari de reconquérir une majorité stable grâce à des législatives anticipées.

Mais son parti est donné au coude-à-coude, autour de 30% des intentions de vote, avec les socialistes (PSB, ex-communistes), dans l'opposition depuis 2009 hormis une parenthèse d'un peu plus d'une année en 2013-2014.

Les socialistes pourraient être portés par l'élan qui a déjà conduit à la présidence, fin 2016, l'ancien chef de l'armée de l'air Roumen Radev, candidat adoubé par le PSB, qui avait largement battu sa concurrente issu du parti conservateur (Gerb) de M. Borissov.

Cet échec avait précipité la démission du Premier ministre, un ancien garde du corps au parler direct, voire cru, entraînant l'organisation des troisièmes élections anticipées depuis 2013 en Bulgarie.

Après deux années de relative stabilité, les analystes et le monde économique redoutent une nouvelle période de turbulences en raison d'un paysage politique fragmenté: d'âpres négociations sont à prévoir pour trouver une coalition de gouvernement, quel que soit le vainqueur.

Dans ce scrutin majoritaire à un tour, "ce n'est pas tant (le résultat du) 26 mars qui compte, mais la capacité de trouver des partenaires pour un gouvernement", avait reconnu M. Borissov, arrivé au pouvoir en 2009, déjà démissionnaire en 2013 et auteur d'un retour gagnant l'année suivante.

- La Bulgarie d'abord -

Dans ce pays pauvre entré dans l'Union européenne il y a 10 ans, le pouvoir d'achat, la lutte contre une corruption endémique, l'émigration de la population en quête d'une vie meilleure et l'inefficacité des services publics sont au coeur des préoccupations électorales mais n'alimentent pas vraiment de débats entre les candidats.

La campagne a en revanche été vive sur les sujets de politique extérieure, chaque formation assurant être la plus à même de défendre les intérêts de la Bulgarie, dans une ambiance de patriotisme échevelé.

Des tensions avec la Turquie voisine, la question de l'équilibre à trouver entre l'UE et Moscou, la présence de milliers de migrants coincés dans ce pays situé à la frontière extérieure de l'Union, ont alimenté les surenchères.

"Nous défendrons plus clairement l'intérêt national bulgare au sein de l'UE (...) Nous ne voulons pas être des membres de seconde classe" de l'Union, a plaidé Kornelia Ninova, la cheffe des socialistes, dans une interview à l'AFP.

Si elle exclut de remettre en cause l'appartenance de la Bulgarie à l'UE et à l'Otan, elle menace d'un veto le renouvellement des sanctions européennes imposées à la Russie en raison du conflit ukrainien.

Boïko Borissov met en avant son "pragmatisme" à l'égard de Moscou: "fidélité" aux sanctions européennes, mais relations diplomatiques et économiques nourries avec la Russie.

Un autre puissant partenaire de la Bulgarie s'est invité dans la campagne: la Turquie, accusée d'ingérence dans les affaires nationales.

Ankara se voit reprocher un soutien ouvert à un nouveau parti pro-turc, Dost, influent auprès de l'importante communauté turcophone de Bulgarie.

Héritage de plusieurs siècles de souveraineté ottomane sur les Balkans, la minorité turque de Bulgarie compte environ 700.000 personnes, sur une population totale de 7,4 millions. Et quelque 60.000 Turcs dotés de la citoyenneté bulgare votent en Turquie.

Dost ambitionne de concurrencer le traditionnel parti de la minorité turque, le Mouvement pour les droits et libertés (MDL), à l'attitude réservée vis-à-vis du président turc Recep Tayyip Erdogan.

Cette crise avec la Turquie pourrait profiter à la coalition nationaliste qui se présente sous l'étiquette "Patriotes unis". Crédités de 9 à 12% des intentions de vote, ils pourraient ravir la troisième place au MDL et sont susceptibles, selon les analystes, de s'allier aussi bien au PSB qu'au Gerb.

Quel que soit le vainqueur, Evgueni Daynov, analyste et directeur du Centre de pratiques sociales, table sur la poursuite d'un modèle de gouvernement "oligarchique favorisant la corruption", loin du changement souhaité par la majorité des Bulgares qui avaient manifesté en masse en 2013 contre la pauvreté et la corruption.

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