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Catalogne: la confrontation avec Madrid pour l'investiture de Puigdemont commence

Les indépendantistes catalans ont posé mercredi les jalons pour une nouvelle investiture de leur chef de file Carles Puigdemont, en exil volontaire à Bruxelles, au cours d'une séance parlementaire qui laisse augurer une nouvelle confrontation avec le gouvernement central espagnol.

Deux mois après la crise politique sans précédent déclenchée par leur tentative de sécession, les séparatistes ont placé à la tête du Parlement catalan un des leurs, Roger Torrent, 38 ans, député de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), élu par 65 voix contre 56.

A l'extérieur, aux abords d'un parlement sous haute sécurité, des centaines de partisans s'étaient massés pour suivre la séance sur un écran géant. Dedans, sur quatre sièges vides, étaient posés de grands rubans jaunes, représentant quatre leaders indépendantistes emprisonnés.

La chambre avait été dissoute par le gouvernement central le 27 octobre, après le vote, suivi par toute l'Europe, d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Les séparatistes avaient alors fondé une république indépendante mort-née, sans la moindre reconnaissance internationale.

Le jour même, le chef du gouvernement Mariano Rajoy avait destitué Carles Puigdemont et son exécutif, prenant le contrôle direct de la Catalogne, privée au passage de l'autonomie reconquise après la mort du dictateur Francisco Franco.

Il avait convoqué ces nouvelles élections régionales pour le 21 décembre, dans l'espoir d'apaiser la situation, alors que la région est divisée presque à parts égales sur la question de l'indépendance.

Les séparatistes y ont obtenu 47,5% des suffrages et une majorité absolue de 70 députés sur 135 grâce à une pondération des voix qui profite aux régions rurales, plus indépendantistes.

Le séparatiste Ernest Maragall a ouvert mercredi la session qu'il présidait provisoirement en tant que doyen avec une diatribe contre l'Etat espagnol, accusé "d'humilier, de punir", les Catalans.

La chef de l'opposition Inés Arrimadas (Ciudadanos, libéral) lui a rétorqué qu'il n'avait pas à "tenir un meeting" dans un moment si solennel.

Le camp sécessionniste part à la reconquête du pouvoir régional, un parcours d'obstacles alors que trois députés sont en détention provisoire pour "rébellion" ou "sédition" et cinq autres, dont Carles Puigdemont, en exil volontaire à Bruxelles.

L'élection de Roger Torrent à la tête de la chambre est une première étape: à ce poste, il arbitrera les houleuses sessions parlementaires à venir. C'est aussi lui qui devra proposer, le 31 janvier au plus tard, un candidat à l'investiture.

Député depuis 2012 et maire de Sarrià de Ter, une ville de 5.000 habitants proche de Gérone, le fief de Carles Puigdemont, il a promis devant ses pairs de "rechercher le dialogue et le consensus" dans ses nouvelles fonctions.

Son élection a été rendue possible par le vote blanc des huit élus du groupe de gauche radicale Catalunya en Comu.

Les séparatistes ont ensuite emporté une deuxième victoire, en s'assurant le contrôle du "bureau" du parlement qui décide de l'ordre du jour et veille au respect du règlement: quatre de ses sept membres sont issus de leurs rangs.

- Investiture à distance ? -

Ce bureau a un rôle stratégique puisqu'il sera chargé d'accepter ou non une investiture à distance de Carles Puigdemont, qui risque un placement en détention s'il retourne en Espagne.

Mercredi, le chef de file séparatiste a félicité sur Twitter le nouveau président de la chambre, après avoir posté une vidéo des violences policières ayant émaillé le référendum d'autodétermination interdit qu'il avait organisé le 1er octobre.

Reste que Mariano Rajoy n'acceptera en aucun cas cette présidence depuis Bruxelles, via Internet ou par vidéoconférence, d'une région de 7,5 millions d'habitants où vivent 16% des Espagnols.

"Je contesterai le premier acte administratif", qui ira dans ce sens, a-t-il dit à des journalistes mardi.

Un tel recours entraînera la saisine de la Cour constitutionnelle, qui selon toute probabilité gèlera l'investiture.

Cela débouchera sur un nouveau scénario de blocage: le gouvernement central continuera à diriger directement la Catalogne privée de l'autonomie à laquelle ses habitants tiennent tant.

Selon le ministre de l'Economie Luis de Guindos, la crise politique a déjà coûté un milliard d'euros en ralentissant la croissance de la région, qui fournit 19% du PIB espagnol. Plus de 3.000 entreprises inquiètes ont préféré déménager leur siège social hors de Catalogne depuis le référendum.

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