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Contre le Brexit, des Britanniques deviennent aussi allemands

Décoré pour ses services dans la Royal Air Force en Irak, Paul Hughes "n'abandonnerait jamais" son passeport britannique. Mais l'ancien militaire installé en Allemagne, "bouleversé" par le Brexit, s'apprête à demander la nationalité allemande.

Le jeune vétéran de 34 ans se passerait volontiers "de tout ce cirque" mais il entend "garder le droit" de s'installer n'importe où dans l'Union européenne, lui qui s'est établi d'abord à Amsterdam puis à Wiesbaden, près de Francfort (ouest), avec son épouse allemande.

Or le gouvernement britannique refuse de garantir le droit au séjour des Européens vivant en Grande-Bretagne et s'expose, en contrepartie, à ce que Bruxelles remette en question le sort du million de Britanniques établis dans un autre Etat-membre, dont environ 106.000 en Allemagne.

A Londres, "personne ne s'intéresse à nous, personne ne s'en occupe", déplore Paul Hughes, que ce constat a décidé à pousser la porte des services d'immigration. Et ses compatriotes en Allemagne sont de plus en plus nombreux à faire la même démarche, confient, malgré l'absence de statistiques officielles, les autorités de Berlin, Francfort, Hambourg (nord) et Munich (sud).

Car tant que la Grande-Bretagne reste membre de l'UE - une situation dont les jours sont comptés -, les citoyens britanniques ont la possibilité de conserver leur passeport frappé des célèbres armoiries au lion et à la licorne, tout en prenant celui illustré par l'austère aigle fédéral.

- 'Comme se marier' -

Si la procédure est "étonnamment simple et amicale", pour le demandeur la décision va au-delà de la formalité administrative, témoigne le journaliste, écrivain et traducteur britannique Brian Melican, naturalisé allemand en décembre 2015.

"C'est comme se marier ou avoir des enfants. C'est l'un des plus grands changements de statut qu'on puisse connaître", explique l'auteur de 32 ans installé à Hambourg, qui vit en Allemagne depuis neuf ans et en maîtrise la langue.

Lui qui s'est surpris à dire "nous" en parlant des Allemands a réfléchi au poids de l'histoire et aux guerres qui ont opposé ses deux pays. L'Allemagne d'aujourd'hui "endosse la responsabilité, et non la culpabilité", du passé nazi, estime le jeune homme.

Il se sent désormais lié à la politique et à la société allemande et l'éprouvera le 24 septembre prochain en votant pour la première fois aux élections fédérales.

Pour Becky Allenby, enseignante et traductrice de 39 ans installée à Berlin avec ses deux fils et son compagnon, Britannique d'origine australienne, c'est aussi le vote sur le Brexit qui l'a pour la première fois poussée à se poser des questions identitaires.

- 'Un pied dans chaque pays' -

"Avant, en tant que citoyenne européenne, je pouvais jongler entre ma famille, mes amis et mon entourage, et tout allait bien. Et soudain, avec le Brexit, c'est comme si on avait tiré un trait sur tout ça", raconte-t-elle.

Alors la jeune femme a elle aussi demandé la nationalité allemande, non pour elle mais "pour les enfants". "Ils sont nés ici et se présentent aux gens comme Allemands. Je voulais qu'ils aient les papiers qui coïncident avec leur attachement émotionnel", explique-t-elle.

Comme Paul Hughes, pour qui les repas dans sa ville de Swindon "tournent à la bagarre" si le Brexit est abordé, Becky Allenby évite d'évoquer le sujet avec ses parents, favorables à la sortie de la Grande Bretagne de l'UE.

Loin d'être hostiles à l'Allemagne, "ils veulent seulement que leurs petits-enfants soient Britanniques, et ils aimeraient aussi nous voir rentrer", raconte la Berlinoise d'adoption.

Mais même en cas de retour, la double nationalité entérine pour elle une évolution plus profonde: "désormais, une partie de moi se sentira toujours Allemande. J'ai vécu ici des années cruciales de ma vie - j'aurai toujours l'impression d'avoir un pied dans chaque pays".

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