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De jeunes bénévoles, dont des Allemands, restaurent à Bayonne le plus ancien cimetière juif de France

Armés de pelles, pioches et brouettes, une douzaine de bénévoles, dont des Allemands, sondent le sol du cimetière juif de Bayonne pour répertorier et restaurer les sépultures de ce site considéré par les historiens comme le plus grand et plus ancien cimetière juif de France, le second en Europe après celui d'Amsterdam.

Témoin de l'arrivée d'une importante communauté juive au XVIe siècle à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), présence qui a notamment fait de la cité basque une place forte du commerce et la capitale française du chocolat, le cimetière s'étend sur plus de deux hectares et compte près de 3.000 tombes datées du XVIIe au XIXe siècle.

"Chassés d'Espagne puis du Portugal, les juifs séfarades ont été accueillis à Bayonne autour de 1525. C'était une implantation d'abord discrète, en tant que +nouveaux chrétiens+", rappelle Olivier Hottois, conseiller scientifique du Musée juif de Bruxelles, impliqué dans le chantier. "Les juifs étaient ainsi d'abord inhumés dans le cimetière catholique mais au cours du XVIIe siècle, grâce aux bonnes relations entretenues par les communautés, l'évêque de Bayonne a vendu un terrain pour y implanter ce cimetière", indique Philippe Pierret, conservateur du Musée juif de Bruxelles et à l'origine des travaux de restauration en 2010. Depuis plus de 400 ans, cimetières catholique et juif se font ainsi face sur les hauteurs de Bayonne.

- 'Rien que des tas de terre et des arbres' -

Longtemps restée à l'abandon, la partie ancienne du cimetière juif est ainsi dévoilée au fil des chantiers, chaque été depuis cinq ans. "Il n'y avait là rien que des tas de terre et des arbres", se rappelle Philippe Pierret, montrant les centaines de pierres tombales extraites du sol et soigneusement nettoyées. "Il n'y avait jamais eu de travail d'inventaire à partir des épitaphes", explique le conservateur, témoignant d'un travail acharné.

Pour Olivier Hottois, cet inventaire permettra aux familles de localiser des sépultures de proches. Philippe Pierret insiste aussi sur la dimension historiographique: "C'est un patrimoine unique. Esthétiquement ce n'est certes pas le cimetière séfarade d'Amsterdam, mais la base de données sera un outil d'interprétation exceptionnel pour mesurer, par exemple, l'évolution économique et intellectuelle des juifs venus d'Espagne". Le conservateur a notamment recensé "une cinquantaine de pierres remarquables au niveau des symboles".

A l'origine du chantier, les deux chercheurs, soutenus par la Direction régionale de l'action culturelle (Drac) d' Aquitaine, la mairie de Bayonne et l'Association cultuelle israélite de Bayonne-Biarritz, s'appuient aussi sur un réseau de jeunes bénévoles européens, notamment issus de l'Aktion Sühnezeichen Friedensdienste (ASF), association allemande créée après la Seconde guerre mondiale pour éveiller le peuple allemand à sa responsabilité dans la barbarie nazie. Si l'AFS a dû arrêter son soutien financier cette année, Maria Sofie Pitzer et Florian Henz, membres de l'association, participent au chantier.

Pour Florian Henz, 30 ans, étudiant en histoire engagé depuis une décennie dans les travaux de restauration, la société allemande "doit s'engager dans ce type de démarche parce qu'elle doit assumer sa responsabilité dans ce qui s'est passé sous le nazisme". Maria Sofie Pitzer, 18 ans et fille de deux pasteurs, s'est elle mobilisée "pour que cela ne se reproduise plus".

Une motivation décuplée plus d'un an après l'attentat, le 24 mai 2014, au Musée juif de Bruxelles, lieu de travail de Philippe Pierret et Olivier Hottois, où Maria Sofie Pitzer était aussi bénévole.

Sur les 3.000 sépultures recensées à Bayonne, près de 2.600 ont déjà été extraites de terre depuis 2010. "La fin du chantier approche, certainement en 2016", souffle Philippe Pierret. Mais, le site ne sera toujours pas accessible au public concède, frustré, le conservateur: "Nous, bénévoles, avons fait beaucoup pour inventorier le site. Il faut désormais que les pouvoirs publics s'impliquent davantage pour finir de restaurer le site".

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