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Espagne: la droite dans l'embarras face à un scandale de corruption

Des centaines de personnes ont manifesté vendredi soir à Madrid contre la corruption, au moment où la droite au pouvoir en Espagne se défendait face à un nouveau scandale qui risque d'aggraver la perte de crédibilité d'une classe politique minée par la crise.

Aux cris de "Ce président est un délinquant", "Démission", portant des pancartes où était écrit "Voler est un délit, seulement pour les pauvres", les manifestants se sont regroupés aux abords du Parti populaire (PP), la formation de droite du président du gouvernement, Mariano Rajoy.

L'immeuble était protégé par des fourgons de police et des barrières jaunes qui tenaient à distance les manifestants, rassemblés via les réseaux sociaux à l'appel de la mouvance des indignés.

"C'est une honte. On coupe les salaires de ceux qui gagnent mille euros, et eux, ils gardent leurs privilèges. C'est révoltant", lançait Paqui Benito, fonctionnaire de 48 ans au ministère de la Justice qui, comme tous ses collègues, a vu son salaire amputé par les mesures de rigueur.

Ana Tapias, une étudiante en physique de 25 ans, a elle annulé sa soirée au cinéma pour aller manifester: "Il faut descendre dans la rue pour dire que cela suffit. Si nous ne manifestons pas, tout continuera. C'est la même chose avec tous les gouvernements".

Quelques heures plus tôt, la numéro deux du PP, au pouvoir à Madrid et dans la plupart des puissantes régions espagnoles, Maria Dolores de Cospedal, avait nié "catégoriquement" que des responsables de son parti aient pu toucher sous sa direction des salaires non-déclarés, provenant notamment d'entreprises privées, comme l'affirme le journal de centre-droit El Mundo.

Elle a ajouté ne pas être "au courant que cela ce soit produit avant" sa nomination à ce poste en 2008 par Mariano Rajoy.

Citant "cinq sources fiables issues des directions successives du parti", El Mundo affirme que l'ancien gérant puis trésorier du PP, Luis Barcenas, a distribué pendant deux décennies des enveloppes contenant entre 5.000 et 15.000 euros à des dirigeants, en complément de leurs salaires officiels.

Luis Barcenas est par ailleurs mis en cause par la justice dans une affaire de corruption qui avait éclaboussé en 2009 la droite espagnole.

"Rajoy, qui, selon des sources du PP n'a jamais touché ces compléments de salaire, avait ordonné à Cospedal de mettre fin à cette pratique en 2009", poursuit El Mundo, qui qualifie cette affaire de "bombe atomique" pour le parti.

"L'argent provenait de commissions perçues auprès d'entreprises de construction, de sociétés d'assurances et de donations anonymes", dit-il.

Les bénéficiaires étaient des "secrétaires exécutifs, élus et autres membres de l'appareil".

La publication de cette nouvelle information intervient après l'annonce mercredi par la presse, citant une enquête judiciaire, que le trésorier avait eu, "avec d'autres personnes", jusqu'en 2009 un compte en Suisse doté de 22 millions d'euros.

"Les comptes du PP sont clairs, transparents et inspectés par la Cour des comptes", a ajouté la numéro deux du PP vendredi. "Vous appartenez à un grand parti qui défend la décence et où celui qui fait quelque chose (de mal) le paie", a-t-elle martelé face à des élus.

Malgré ses explications, l'information provoquait de nombreuses réactions et l'indignation sur les réseaux sociaux, où étaient relayés des appels à manifester dans de nombreuses villes.

"Monsieur Rajoy doit donner des explications immédiatement", a lancé le chef de file de l'opposition socialiste, Alfredo Perez Rubalcaba.

Autre cible des manifestants: le président de droite de la région de Madrid, Ignacio Gonzalez, après la révélation par la presse d'une enquête de la justice sur les conditions d'acquisition d'un duplex de luxe mis à sa disposition dans la station balnéaire de Marbella.

"C'est comme si nous avions franchi un nouveau seuil dans ce divorce croissant entre citoyens et responsables politiques en Espagne" après un an de révélations successives, analyse Fernando Vallespin, professeur de Sciences politiques à l'Université autonome de Madrid.

Touchant les principaux partis politiques espagnols, les informations qui se multiplient sur des scandales de corruption provoquent un malaise d'autant plus profond en Espagne que le pays est enfoncé dans la crise depuis 2008. Un actif sur quatre est au chômage.

Mois après mois, la méfiance des Espagnols envers leurs dirigeants et leur dégoût face à la corruption se confirme dans le baromètre mensuel que publie le Centre d'investigation sociologique, un organisme public.

Avant la crise, "il y avait une certaine tolérance" mais "il y a désormais en Espagne une sensibilité à fleur de peau face à l'utilisation des biens publics", souligne Fernando Vallespin qui plaide pour la réalisation d'"une catharsis éthique" dans le pays.

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