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Garcia Lorca entre en beauté à la Comédie-Française avec "La Maison de Bernarda Alba"

Le drame oppressant du poète andalou Federico Garcia Lorca "La Maison de Bernarda Alba" fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française dans une très belle mise en scène de la Suissesse Lilo Baur, jusqu'au 25 juillet.

Une immense dentelle de fer tapisse la scène, telle un moucharabieh ou la clôture d'un couvent enfermant loin du monde les 5 filles de Bernarda Alba.

La matrone, qui règne d'une main de fer sur ses filles, leur impose à la mort de son second mari un deuil de 8 ans. Si elle pouvait, elle murerait "portes et fenêtres, comme chez mon père, comme chez mon grand-père".

Seule l'aînée, déjà desséchée à 39 ans mais riche car née d'un premier mariage de la mère, a une chance de se marier avec "Pepe le romano", beau à se damner. Mais Pepe tourne autour d'Adela, la rebelle, la plus jeune et la moins résignée à cet "océan de deuil".

Dans ce huis clos exclusivement féminin, la jalousie, le désir mordant, la frustration rongent les soeurs, déchirées par l'amour du même homme.

La jeune Adeline d'Hermy prête sa fougue à Adela, magnifique lorsqu'elle étreint enfin "Pepe" dans un stupéfiant tango des corps, sur la musique de Mich Ochowiak. La distribution est impeccable, de Martirio, la soeur dévorée de jalousie (Jennifer Decker) à l'impitoyable Bernarda (Cécile Brune).

Lilo Baur réussit parfaitement à faire résonner aujourd'hui les thèmes universels de la pièce, l'oppression dans une société où "naître femme est la pire des punitions". La lapidation par les voisins d'une malheureuse fille-mère coupable d'avoir fauté et fait disparaître son bébé fait écho à des faits d'aujourd'hui dans d'autres parties du monde.

La pièce n'est pourtant pas exempte d'humour, avec ses personnages des servantes qui n'ont pas la langue dans la poche, ou de la vieille mère réjouissante, qui descend sur scène dans son fauteuil roulant comme on descendrait du ciel. Elle seule s'autorise à dire des vérités toutes crues, sous couvert de folie.

Garcia Lorca a écrit "La Maison de Bernarda Alba" en 1936, deux mois avant son exécution par les franquistes. La pièce a été longtemps censurée sous Franco, tant elle choquait par sa charge contre la tradition paralysante de la société espagnole et le règne des tyrans.

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