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Italie: le parcours d'un militant des brigades rouges et ses résonances actuelles

Un documentaire italien retrace le parcours d'Aggripino Costa, passé de la rupture sociale à la délinquance puis à l'extrême gauche radicale et violente des Brigades rouges, non sans quelque résonance actuelle.

A 73 ans, Aggripino Costa est l'unique protagoniste de "Ossigeno" (Oxygène), de l'Italien Piero Canizzaro, qui sortira en février en France. Dans cette longue interview, il revient sur sa vie rocambolesque de délinquant, la violence de l'ultra-gauche, la prison, puis le refuge de la poésie et de la peinture.

Ayant perdu sa mère très jeune, il a vite rejeté l'autorité de son père policier. "A 12 ans, j'étais déjà en fugue", a-t-il raconté à l'issue d'une projection cette semaine à Rome.

A près de 20 ans, il débarque à Marseille (sud de la France), sans un sou, en rupture tant avec sa famille qu'avec la société italienne.

"Je voulais déjà changer le monde, la réalité, je ne rêvais que d'évasions", explique celui qui a finalement été détenu plus de 20 ans de sa vie, dans les prisons les plus dures d'Italie.

Mais la politique est encore loin et c'est la délinquance que le jeune rebelle embrasse. Il part en Suisse pour le "casse du siècle" dans la villa du président de la Croix-Rouge internationale de l'époque: argent, bijoux et tableaux de maître, dont rien de moins qu'un Boticelli.

"On a eu du mal à passer la frontière avec cinq valises, mais on y est parvenus", raconte-t-il. Les casseurs ne sont cependant pas d'une grande finesse: une fois en France, ils prennent un train dans le mauvais sens qui les ramène en Suisse.

"J'ai tiré le signal d'alarme et on a pu s'enfuir". Pas pour longtemps: ils sont arrêtés et Agrippino Costa entame alors une longue vie derrière les barreaux, où il rencontre des militants d'extrême gauche, dont Renato Curcio, l'un des fondateurs des Brigades rouges.

"C'est un homme qui traverse la vie et la regarde en face, j'ai toujours plaisir à écouter Agrippino", a déclaré ce dernier dans la salle où il assistait, en spectateur, à la projection.

- De la rupture à la violence -

Les Brigades rouges sont responsables d'assassinats et d'attentats sanglants dans l'Italie des années de plomb, même si M. Costa, surnommé le "gentil braqueur", n'a jamais tué personne.

Le meurtre d'Aldo Moro, chef de la Démocratie chrétienne assassiné en 1978 par les Brigades rouges, est d'ailleurs celui de trop à ses yeux. "La lutte armée est une erreur, seul le pardon compte", dit aujourd'hui ce père de six enfants.

Anarchiste, révolutionnaire, rebelle, il dit aujourd'hui rechercher en lui-même ce qu'il a tant cherché de par le monde, "y compris Dieu".

Interrogés sur les attentats qui viennent d'ensanglanter Paris, cette fois au nom d'une autre cause, Aggripino Costa s'éloigne dans une longue digression, tandis que Renato Curcio refuse tout net de parler.

Pourtant, le parcours de M. Costa évoque, toutes proportions gardées, celui de certains jihadistes issues des banlieues françaises ou belges: même rupture avec la famille et l'autorité, même passage par la délinquance et, pour beaucoup, même phénomène de radicalisation dans les prisons.

Dans les années 1970 cependant, ce parcours n'était pas si fréquent. "Il s'agit d'un pourcentage très faible, d'une petite minorité", explique à l'AFP le sénateur Luigi Manconi, auteur de plusieurs livres sur l'ultra-gauche et lui-même ancien militant.

L'engagement des brigadistes reposait sur une "prise de conscience idéologique, une volonté de combattre l'injustice et un Etat qui, selon eux, devenait de plus en plus fasciste", ajoute-t-il.

On est loin donc des jihadistes à Paris ou à Bruxelles, des jeunes en rupture de ban. "Aucun n'a milité dans un mouvement politique (...). Aucun n'a fait de sérieuse études religieuses", écrit ainsi Olivier Roy, politologue et spécialiste de l'islam.

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