Accueil Actu

L'aciérie polluante Ilva serait responsable de 400 décès en Italie: "Même le lait des femmes qui allaitent est contaminé"

L'aciérie Ilva a récemment cessé de cracher sa fumée toxique à Tarente, dans la sud de l'Italie. Les juges ont imposé l'arrêt des opérations les plus polluantes. Au grand dam des 12.000 salariés d'Ilva et des 3.000 à 4.000 employés chez les sous-traitants de cette aciérie qui fait vivre en bonne partie la région.

Quand le principal haut-fourneau de l'aciérie Ilva a récemment cessé de cracher sa fumée toxique, Fabio Matacchiera a été le seul à s'en réjouir à Tarente, dans ce Sud italien déshérité où l'on préfère encore mourir d'un cancer que de faim. "Cela a été vraiment émouvant de voir s'éteindre ce monstre. Toute la ville aurait dû sabrer le champagne", explique M. Matacchiera, 53 ans, dont la moitié passée à lutter pour la fermeture de ce site qui est l'un des plus polluants d'Europe. Dans cette ville aux balcons et tombes rougis par la poussière d'oxyde de fer, les juges ont imposé l'arrêt des opérations les plus polluantes. Au grand dam des 12.000 salariés d'Ilva et des 3.000 à 4.000 employés chez les sous-traitants de cette aciérie qui fait vivre en bonne partie la région.


Le taux de prévalence des tumeurs infantiles est supérieur de 54%

Le haut-fourneau 5 restera éteint pendant un an, le temps d'être mis en conformité avec les normes environnementales européennes, mais pendant ce temps, l'immense site continuera à produire de l'acier... et des fumées. Un simple grillage sépare l'aciérie Ilva des premières habitations du quartier de Tamburi, où les murs sont placardés d'avis de décès et de graffitis de masques à gaz. Rien ne protège les habitants des dioxines cancérigènes. A Tarente, le taux de prévalence des tumeurs infantiles est supérieur de 54% au reste de la région des Pouilles.


Le lait des femmes qui allaitent est contaminé

"Même le lait des femmes qui allaitent est contaminé aux dioxines", explique M. Mattacchiera, fondateur d'un Fonds anti-dioxines qui essaie de récolter de l'argent pour financer les recherches sur l'Ilva.



92% des émissions de dioxines

Tarente, qui accueille aussi une raffinerie de pétrole et une cimenterie, concentrait 92% des émissions de dioxines de la région avant le début des fermetures temporaires. Le parquet de la ville attribue au moins 400 décès aux émissions toxiques et a mis en cause une cinquantaine de personnes pour corruption et désastre environnemental. Un procès est attendu à la fin de l'année.


La pollution empoisonne la ville

La décision de maintenir Ilva en activité a été controversée: la société a été placée sous tutelle de l'Etat en 2013 quand la famille Riva qui la détenait a été accusée d'avoir échoué à prévenir la pollution empoisonnant la ville. Fin décembre 2014, le président du Conseil Matteo Renzi a promis d'assainir l'entreprise, en vue de lui trouver un repreneur. Les habitants applaudissent ce soutien à l'un des seuls employeurs de la région, où le taux de chômage de 20,6% excède largement la moyenne nationale.


D'autres voix contestent ce choix

Mais d'autres voix contestent ce choix: pour elles, Ilva n'a pas d'avenir. Car c'est la Chine qui génère aujourd'hui l'essentiel du boom de la production mondiale d'acier, avec ses 779 millions de tonnes en 2013 contre 24 millions en Italie. Et comme la crise mondiale a généré un surplus d'acier, la production ralentit partout... y compris en Italie.


Les énormes cheminées contrastent avec l'image idyllique des plages

Les énormes cheminées blanches et rouges qui dominent la vieille ville à l'abandon de Tarente contrastent avec l'image idyllique des plages de sable blanc et des cités baroques que l'on trouve dans les dépliants touristiques des Pouilles. Ilva, qui cumule des dettes de 2,9 milliards d'euros, a été déclarée en faillite en janvier. Le gouvernement projette désormais de créer une nouvelle entreprise. En attendant, les erreurs de gestion sont dénoncées par les salariés qui s'alarment d'"une situation chaotique".


Des comptes off-shores de banques suisses

L'assainissement est évalué à 5 milliards d'euros mais M. Renzi n'a promis que 2 milliards, qui devraient être financés par un prêt public et la saisie de plus d'un milliard d'euros à la famille Riva. Mais l'essentiel de cet argent des Riva dort dans des comptes off-shores de banques suisses et Barbara Valenzano, administratrice judiciaire, juge qu'il ne sera pas facile de les récupérer.


Le gouvernement favoriserait les banques

Certains accusent l'Etat Italien de privilégier la survie d'Ilva au détriment de la santé des habitants. Dans l'assainissement engagé il y a trois ans déjà, les mesures les moins coûteuses ont pour l'instant été privilégiées au détriment de celles qui auraient eu plus d'impact sur la santé et l'environnement. Le mouvement anti-partis Cinq étoiles estime que le gouvernement favorise les banques qui ont soutenu l'entreprise avec plus d'un milliard d'euros de prêts.


"Cette ville est malade de l'illégalité"

Angelo Bonelli, chef du parti des Verts, reproche aux autorités régionales et nationales leur réticence à déclarer dangereuse une production qui pollue les produits alimentaires locaux avec des taux élevés de toxines. "Cette ville est malade de l'illégalité et ne génère que de la souffrance", dit-il.


Il souffre pourtant d'une leucémie

Mais d'anciens ouvriers d'Ilva comme Vincenzo Pignatelli, 62 ans, qui souffre pourtant d'une leucémie après avoir respiré pendant 28 ans ses fumées, soulignent une autre réalité: ce site industriel est tout ce qui reste à Tarente, disent-ils.


"Quatre de mes collègues sont morts de la même maladie"

"Quatre de mes collègues sont morts de la même maladie", observe Vincenzo Pignatelli. Mais "même si je perds mes dents et si je ne vis encore que quatre ou cinq ans, je veux que mon fils ait un travail, c'est une question de survie. C'est comme au Moyen-Age: soit vous mourez de faim, soit de votre labeur".

À la une

Sélectionné pour vous