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Le procès d'un ex-infirmier d'Auschwitz ajourné au 14 mars pour raisons de santé

Le procès d'un ex-infirmier d'Auschwitz de 95 ans, ouvert lundi en son absence pour raisons de santé, a été ajourné et devrait reprendre le 14 mars en Allemagne si une nouvelle expertise médicale le permet.

Hubert Zafke devait répondre de "complicité" dans l'extermination d'au moins 3.681 Juifs gazés dès leur arrivée dans le camp emblématique de la Shoah, entre le 15 août et 14 septembre 1944.

"Vous constatez avec moi qu'une place est vide sur les bancs de la défense", a déclaré en ouverture le président du tribunal de Neubrandenbourg (est), Klaus Kabisch, expliquant que l'accusé avait été examiné la veille par un médecin urgentiste.

Ce dernier a "fait état de pensées suicidaires, d'une réaction de stress et d'hypertension", a expliqué le juge, affirmant que le médecin avait estimé l'ancien nazi "intransportable" et dans "l'incapacité d'être jugé".

Le dossier Zafke fait partie d'une douzaine de procédures tardives engagées par la justice allemande contre d'anciens SS, censées illustrer la volonté de juger "jusqu'au dernier" les criminels nazis après des décennies d'un bilan judiciaire décrié.

Mais ces procédures se heurtent à l'âge avancé des accusés, comme l'illustre le cas de M. Zafke, objet d'une querelle d'experts depuis près d'un an.

En juin 2015, le tribunal de Neubrandenbourg avait d'abord décidé de ne pas le juger, de premières expertises ayant conclu qu'il était incapable de participer aux débats. Cet avis a été invalidé en appel, un nouvel expert jugeant que M. Zafke disposait certes de "faibles capacités physiques et cognitives" mais n'était pas "totalement inapte".

- 'Cache-sexe' -

La controverse médicale ne s'est pas éteinte pour autant, le tribunal ayant annoncé avant même l'audience qu'il souhaitait réexaminer la capacité de l'accusé à comparaître, au grand dam des parties civiles et, fait rare, du parquet.

Ces derniers, invoquant la partialité du tribunal, ont sans succès déposé une demande de récusation de M. Kabisch et de ses assesseurs.

"Nous n'avons pas eu jusqu'à ce matin connaissance (de l'examen médical effectué dimanche) et la question se pose" de savoir si cette attestation "établit suffisamment" l'incapacité de l'accusé à être jugé, a déclaré à l'AFP le procureur Thomas Bardenhagen.

Après des échanges tendus entre les parties et le tribunal, ce dernier a décidé une nouvelle expertise qui doit avoir lieu peu avant le 14 mars.

"Mon client est mourant et se trouvera bientôt devant le juge suprême", a déclaré à l'AFP l'avocat de M. Zafke, Peter-Michael Diestel, contestant la légitimité de cette procédure "humainement préoccupante" et politiquement "douteuse".

"Je considère extrêmement pénible que la justice allemande n'ait pas ou seulement de manière lacunaire travaillé sur l'Holocauste et que l'on cherche à organiser un cache-sexe avec ce genre de procès".

"On inflige ça aux mauvaises personnes alors que dans les années 1960-70, les responsables ont été renvoyés chez eux avec des peines de complaisance, des non-lieux ou des acquittements", a souligné cet avocat à succès, qui fut par ailleurs le dernier ministre de l'Intérieur de RDA.

M. Diestel a rappelé que son client avait déjà été condamné en Pologne à quatre ans de prison pour ses activités à Auschwitz, pour une période différente de celle examinée aujourd'hui.

Sur le laps de temps visé par l'accusation, 14 convois de déportés sont arrivés à Auschwitz en provenance de Lyon, Rhodes, Trieste, Mauthausen, Vienne et Westerbork.

Dans ce dernier train, ultime convoi parti du camp de transit néerlandais, se trouvaient Anne Frank, ses parents Otto et Edith ainsi que sa sœur aînée Margot.

La mère de l'adolescente recluse deux ans à Amsterdam, dont le journal intime est devenu mondialement célèbre, est morte d'épuisement à Auschwitz en janvier 1945 tandis qu'Anne et Margot Frank, transférées à l'automne 1944 à Bergen-Belsen, y ont succombé début 1945.

"J'attends que l'accusé s'exprime dans la mesure où il peut le faire et qu'il rompe le silence qu'il a observé pendant toute sa vie', a affirmé à l'AFP Christoph Heubner, vice-président exécutif du Comité international d'Auschwitz.

Après avoir purgé sa peine, M. Zafke s'était installé en 1951 à proximité de Neubrandenbourg, où il a travaillé jusqu'à sa retraite dans les moulins locaux, chargé de la lutte contre les animaux nuisibles.

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