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LSD, TOR, FBI... Erik, un simple vendeur de Lego, plonge malgré lui dans le côté obscur d'Internet

Quand les doses de LSD ont atterri dans sa boîte aux lettres, le Néerlandais Erik Boeré est tombé des nues : il était loin de se douter que le nom de sa société était utilisé pour envoyer à travers le monde des drogues commandées sur le darknet, la face cachée d'internet. Le récit de ce vendeur de pièces détachées de Lego a permis de dévoiler les méthodes jalousement gardées, d'un business qui génère des centaines de millions d'euros par an et que les autorités ont bien du mal à contrer. Les experts estiment d'ailleurs que si la dernière opération internationale en date ayant visé la vente de drogue sur le darknet, l'opération "Onymous", a été "symboliquement importante", elle n'est pas beaucoup plus que cela.


Comment ça marche?

Le darknet est accessible via le logiciel gratuit TOR (acronyme de "The Onion Router"), qui permet de naviguer sur internet par l'intermédiaire d'autres ordinateurs du réseau TOR. De cette manière, l'adresse IP de l'ordinateur utilisé apparait aléatoirement aux quatre coins du monde, rendant sa localisation quasi impossible, et cet anonymat a attiré de nombreux vendeurs de drogues, armes et autres produits illicites, actifs sur des plateformes spécialisées.


On lui retourne 30 doses de LSD!

Fin septembre, M. Boeré reçoit une enveloppe bardée du logo de sa société. "Züruck/Retour", indique un autocollant de la Poste allemande, qui croit renvoyer la lettre à un expéditeur ayant renseigné une adresse incorrecte. Dans l'enveloppe, un petit sachet de couleur argentée contient "des petits timbres à l'effigie de Marilyn Monroe", explique cet habitant d'Alphen aan den Rijn : trente doses de LSD de 3,5 à 5 euros la dose.


Le vendeur prend le nom d'un supermarché

M. Boeré a reçu quatre de ces courriers: deux d'Allemagne, un de Grande-Bretagne et un de Belgique. "On peut estimer que des centaines de courriers au nom de notre société ont été envoyés". Le LSD "Marilyn Monroe" est disponible sur le darknet auprès d'un seul vendeur disant être des Pays-Bas. Son pseudonyme : AlbertHeijn... comme la chaîne de supermarchés néerlandaise du même nom. Contacté par l'AFP, AlbertHeijn a refusé de répondre à certaines questions.


Des armes dans des imprimantes

"Les vendeurs utilisent toutes sortes de stratagèmes", explique à l'AFP Nicolas Christin, chercheur de l'université Carnegie Mellon de Pittsburgh, qui a étudié ces plateformes. "Il faut être ingénieux car on repasse à ce moment-là dans le monde réel", dit-il, évoquant un vendeur qui envoyait des armes à feu en les dissimulant dans des imprimantes de bureau. M. Christin assure qu'il est rare d'apprendre comment ces envois sont effectués : "Il y a un code d'honneur entre acheteurs et vendeurs qui implique que ces méthodes ne sont pas révélées".

La police se penche de plus en plus sur le darknet

Drogues, armes, numéros de cartes de crédit volées, pornographie infantile, faux documents d'identité, piratages informatiques : de nombreux produits et services illicites s'échangent sur le darknet. Parmi ces plateformes de la drogue les plus connues, Silk Road, fermée en octobre 2013 par le FBI, mais aussi Black Market Reloaded, Agora ou Pandora. Les transactions se font en bitcoins, monnaie virtuelle permettant de réaliser des paiements difficilement traçables. Identifier les vendeurs est donc théoriquement quasi impossible. "Tant qu'un humain intervient quelque part dans la chaîne, des erreurs sont commises", souligne Lodewijk van Zwieten, directeur du département cybercriminalité du parquet néerlandais. En octobre, les polices américaine et européennes ont fermé une trentaine de sites sur le darknet, dont Silk Road 2.0, successeur de Silk Road. Dix-sept personnes ont été arrêtées. Selon un document d'accusation du FBI, les transactions sur Silk Road 2.0 généraient quelque 8 millions de dollars par mois (6,4 millions d'euros). Le site prenait 4 à 8% de commission.


Le FBI particulièrement actif

Le FBI a mis la main sur l'administrateur présumé de Silk Road 2.0, qui avait loué un serveur en utilisant une adresse e-mail permettant de l'identifier. Les autorités n'ont pas dit comment elles avaient retrouvé ce serveur, ouvrant la voie aux spéculations : incrédules, les concepteurs du logiciel TOR ont publié des scénarios potentiels, évoquant même des failles de leur système. Nicolas Christin relativise le danger pour TOR : "S'ils avaient trouvé une faille dans TOR, tous les grands sites auraient été fermés" (...), mais aussi "les vendeurs sont souvent actifs sur plusieurs plateformes, il leur suffit de poursuivre ailleurs leurs activités".

Quant à M. Boeré, il se dit inquiet que quelqu'un vienne lui réclamer la drogue et craint de se faire interpeller lors d'un voyage à l'étranger si les autorités d'un pays assimilent son nom au trafic de drogues.

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