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Migrants: les exclus de l'asile européen dans l'ombre du camp d'Idomeni

Leurs chemins se séparent sous un panneau défraîchi "welcome to Greece", à deux kilomètres de la Macédoine. Ahmed Majid, un Syrien, va prendre sa place, parmi des milliers d'autres, pour franchir la frontière au camp d'Idomeni. Mohamed, l'Egyptien, attendra la nuit et tentera sa chance par les collines.

Un sort peu enviable attend les deux trentenaires: pour Ahmed, des jours voire des semaines à dormir dehors, privé de l'hygiène de base dans le camp surpeuplé, jusqu'à ce que s'écoulent les 10.000 réfugiés bloqués en raison des quotas instaurés de Macédoine en Autriche.

Pour Mohamed, un saut dans la clandestinité, des heures de marche dans les bois ou dans les montagnes, avec ou sans passeur pour le guider à travers les Balkans jusqu'en Allemagne, où il explique avoir "une soeur et un frère".

Comme cet Egyptien originaire du Caire, ils sont des centaines de migrants "illégaux" dans la zone frontalière autour d'Idomeni, à l'écart du corridor "officiel" vers la Macédoine, qui espèrent tracer leur route en échappant aux polices de Macédoine et de Serbie, les plus redoutées.

En novembre, les autorités macédoniennes ont décidé de ne plus laisser passer au poste-frontière d'Idomeni que les Syriens, les Irakiens, les Afghans, refoulant toutes les autres nationalités: Pakistanais, Iraniens, Egyptiens, Libyens, Marocains, Algériens, Tunisiens, Soudanais...

Depuis dix jours, les Afghans sont à leur tour exclus de la voie légale, mais beaucoup continuent d'arriver chaque jour d'Athènes et de camps grecs où ils étaient hébergés.

Après avoir fait taxi commun depuis la grande ville de Thessalonique, à 86 kilomètres de là, Ahmed le Syrien et Mohamed l'Egyptien se disent adieu sur le parking d'un hôtel en bordure de la route nationale.

- Echouer et recommencer -

L'hôtel Hara est une ruche, un motel de bout du monde dans une des régions rurales les plus pauvres de Grèce devenu, avec la crise des réfugiés, une antichambre de la frontière la plus convoitée du moment.

Quelques tentes sur le parking, des enfants qui jouent au foot, des hommes qui dorment dans les champs alentours, le café de l'hôtel résonne de conversations téléphoniques, de pleurs d'enfants, d'éclats de voix.

Moustapha a le regard dans le vague. Il a "mal à la tête", peut-être le manque de sommeil, pense-t-il, à cause de la pluie qui l'a réveillé dans la nuit alors qu'il dormait dehors, une fois de plus.

Après trois semaines près de la frontière, cet Egyptien de 26 ans se sent dans une impasse: pas assez d'argent pour payer un passeur, la peur de prendre la route en solo car il dit connaître "deux personnes qui ont été condamnées à six mois de prison en Serbie" après avoir été arrêtées.

Le fin jeune homme attend et ressasse son incompréhension des gouvernements européens qui considèrent l'Egypte comme "un pays sûr, même s'il y a des assassinats tous les jours". Un de ses frères, assure-t-il, a été tué par un "sniper", dans la rue.

Amir Bahrani, un Kurde d'Iran, attend de recevoir un mandat à l'agence locale Western Union pour payer les 1.500 euros demandés par les passeurs, "la moitié payable au départ, la moitié à l'arrivée en Allemagne".

Hameed Rajput, un Pakistanais filiforme, attend de reprendre des forces pour retenter un passage de la frontière. Sa onzième tentative en trois mois a échoué la veille quand il a entendu les chiens de la police macédonienne. Il a préféré faire demi-tour.

Un de ses compagnons montre un doigt amoché, après les coups de policiers assure-t-il, alors qu'il avait contourné la double clôture barbelée de plus de vingt kilomètres entre Grèce et Macédoine. Yassine, un Algérien, trois tentatives à son actif, exhibe une cheville gonflée.

Rare distraction de la journée, un groupe de volontaires sert tous les jours à manger à des dizaines d'entre eux dans un bosquet d'arbres à l'écart de la route. On y examine une carte de la région, on y cherche de nouveaux chemins. Des carcasses de maisons abandonnées y servent de refuge pour la nuit, avant le prochain départ.

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