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Quartier Los Pajaritos à Séville, l'autre Espagne encore en crise

Elvira Montadas, chômeuse, promène une voisine sur chaise roulante pour quelques euros, évitant les irrégularités d'un trottoir qui n'a pas été réparé depuis longtemps. Bienvenu dans le quartier des Pajaritos, le plus pauvre d'Espagne, resté en marge de la croissance.

C'est sans doute un record dont Séville, siège de la dernière exposition universelle du XXe siècle, de l'Alcazar et de bien d'autres joyaux architecturaux, se serait passée.

La quatrième plus grande ville d'Espagne (700.000 habitants), abrite le quartier le plus pauvre du pays, Los Pajaritos, où vit Elvira Montadas. Ici, le revenu moyen par habitant est de 12.307 euros par an, contre 113.000 dans le quartier le plus cossu de Madrid. Le taux de chômage atteint 56%.

Une illustration des inégalités criantes qui subsistent en dépit de la croissance retrouvée, qui pourrait dépasser les 3% de PIB pour la troisième année consécutive.

Le chômage touche au niveau national 17% de la population et il fragilise d'autant plus que les prestations sociales, après des années d'austérité, sont en chute libre. Selon Caritas, seules 55% des personnes sans emploi touchent une allocation-chômage contre 78% en 2010.

Pour beaucoup, comme Elvira Montadas, une mère de deux enfants âgée de 49 ans, les emplois sont rares et très temporaires.

"Mes filles sont bien alimentées. Nous n'avons jamais eu faim mais c'est parce que je frappe aux portes, et grâce à Dieu les portes s'ouvrent mais je m'épuise", dit cette femme divorcée qui n'a pas dépassé les études secondaires et a essentiellement travaillé comme femme de ménage.

Son appartement de 50 m2 se trouve au troisième étage d'un immeuble sans ascenseur où les branchements illégaux au réseau électrique ont fait florès: les habitants n'ont pas les moyens de payer ce service public.

Elle vit avec 312 euros par mois d'allocation chômage, dont 110 servent à rembourser le prêt d'achat du logement, 80 aux frais de copropriété et d'assurance, 10 pour le téléphone: il reste 112 euros pour tout le reste. 28 par semaine. 4 euros par jour pour trois personnes.

"Ce n'est même pas assez pour commencer à vivre, alors je me débrouille", dit-elle. Elle évoque des petits jobs: nettoyage, repassage...

Avec ce qui reste donc, elle achète de la nourriture, beaucoup de légumes secs : "On ne manque jamais de haricots et pois chiches. Parfois il y a de la viande, que des ONG offrent, ou des voisins solidaires". Le poisson? "Un luxe, comme les yaourts", dit-elle. Ses filles Andrea et Maria Luisa, en réclament, mais c'est trop cher.

"Elles ne comprennent pas, la grande veut des chaussures, une jupe...".

Noël? Elle n'a pas pu leur faire de cadeaux cette année. Les problèmes s'entassent. La petite n'arrive pas à mûrir et l'aînée n'a pas terminé ses études secondaires.

L'histoire d'Elvira n'a rien d'anormal. "Dans certains foyers tout le monde est au chômage, il y a beaucoup de foyers monoparentaux et de grands-mères qui ont dû prendre en charge les petits enfants parce que les parents sont en prison ou drogués", explique Maria José Herranz, coordinatrice de l'association Candelaria.

Sinistré par une épidémie de consommation d'héroïne dans les années 1980, Pajaritos a ensuite été en première ligne de la crise économique qui a mis l'Espagne à genoux à partir de 2008, en particulier dans le secteur de la construction.

Or c'est là surtout que les Andalous sans qualifications trouvaient du travail. "La crise a été comme un tsunami qui a submergé ceux qui allaient déjà mal", regrette Mariano Pérez de Ayala, directeur de Caritas à Séville.

Selon Caritas, 70% des foyers espagnols "n'ont pas perçu l'effet de la reprise économique". Et selon un rapport de la Commission européenne, l'Espagne reste en avant-dernière position après la Grèce sur les indicateurs de pauvreté ou de chômage des jeunes.

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