Accueil Actu

Tempête dans le foot italien après le détournement d'une photo d'Anne Frank

L'utilisation provocatrice d'images d'Anne Frank par des supporteurs de la Lazio a suscité une vague de critiques en Italie et au-delà, poussant le président du club romain à annoncer qu'il emmènerait des jeunes à Auschwitz.

La Fédération italienne de football (Figc) a aussi annoncé une minute de réflexion sur la Shoah, avec la lecture mardi et mercredi d'un extrait du célèbre journal de la jeune fille juive morte en déportation, avant chaque match de Serie A, B, C et le weekend prochain avant les rencontres des catégories jeunes comme amateurs.

Dimanche au stade Olympique de Rome, des ultras de la Lazio, coutumiers des slogans ou gestes racistes et antisémites, ont assisté à un match de leur équipe fétiche depuis le virage des fans de leur rival historique, l'AS Rome, leur virage habituel étant fermé pour deux matches après des cris de singes lancés pendant une rencontre début octobre.

Là, ils ont marqué leur passage en laissant de nombreux autocollants, en particulier dans les toilettes, montrant Anne Frank avec le maillot de la Roma, dans un photomontage déjà utilisé en 2013.

"Ce n'est pas du football, ce n'est pas du sport. Sortez l'antisémitisme des stades", a réagi lundi Ruth Durghello, présidente de la communauté juive de Rome, tandis que le ministre des Sports, Luca Lotti, dénonçait des actes "très graves".

Mardi, le président de la République lui-même, Sergio Mattarella, a appelé le ministre de l'Intérieur, Marco Minniti, pour s'assurer que les responsables seraient identifiés et "définitivement bannis des stades".

- 'Inhumain, alarmant' -

Utiliser l'image d'Anne Frank "comme signe d'insulte et de menace, outre que c'est inhumain, est alarmant pour notre pays, qui a subi la contagion, il y a 80 ans, de la cruauté bornée de l'antisémitisme", a-t-il dénoncé dans un communiqué.

"C'est incroyable, inacceptable, il ne faut pas le minimiser ni le sous-évaluer", a insisté le chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, tandis qu'à Bruxelles, le chef du Parlement européen, Antonio Tajani, répétait que l'antisémitisme appartenait "au siècle dernier".

Au milieu de cette tempête et alors que son club risque de nouvelles sanctions sportives, le président de la Lazio, Claudio Lotito, est allé déposer une gerbe de fleurs mardi à la mi-journée devant la synagogue de Rome.

"Aujourd'hui, nous entendons réaffirmer notre position encore une fois avec ce geste clair et sans équivoque: personne ne peut utiliser la Lazio", a-t-il insisté. "La plupart de nos supporters sont avec nous contre l'antisémitisme."

Et pour s'en assurer, il a annoncé qu'à partir de 2018, le club emmènerait chaque année 200 jeunes supporters au camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz, où Anne Frank a été déportée avant de mourir à Bergen-Belsen.

Les insultes à caractère raciste et antisémite restent fréquentes dans les tribunes, voire sur le terrain dans le football italien, depuis les championnats de jeunes jusqu'à la Serie A. Et les sanctions ne sont pas systématiques.

- 'Si c'est un homme' -

Mais, à partir de mardi soir, ce sont les mots d'Anne Frank qui devront retentir dans les stades, a ordonné la Figc.

"Je vois comment le monde se transforme lentement en un désert, j'entends plus fort, toujours plus fort, le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi, je ressens la souffrance de millions de personnes et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que tout finira par s'arranger, que cette brutalité aura une fin", assure l'extrait qui sera lu partout.

Parallèlement, les arbitres et capitaines de Serie A remettront aux enfants accompagnant les joueurs sur le terrain "Le journal d'Anne Frank" et le douloureux témoignage de Primo Levi "Si c'est un homme".

Mardi, les capitaines de l'Inter Milan et de la Sampdoria de Gênes ont été les premiers à remettre ainsi des exemplaires du "Journal d'Anne Frank" et de "Si c'est un homme" à des enfants qui les accompagnaient sur la pelouse de San Siro, avant le match avancé de Serie A entre leurs deux équipes.

Malgré tout, les "Irriducibili" de la Lazio ont refusé dans un communiqué de prendre leurs distances avec le photomontage, se disant surpris de la réaction médiatique qui vise avant tout, selon eux, à entraver la progression de la Lazio.

"Nous nous demandons simplement pourquoi personne ne prend notre défense quand nous sommes victimes d'incidents similaires. Nous nous demandons pourquoi personne ne parle de nos initiatives en hommage aux victimes du terrorisme", ont-ils expliqué.

Seule équipe à avoir battu l'indétrônable Juventus en championnat cette saison, la Lazio est actuellement quatrième de Serie A, juste devant l'AS Roma, qu'elle rencontrera le 18 novembre pour un derby délicat.

À la une

Sélectionné pour vous