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Incertitude sur l'avenir de Cosa Nostra après la mort de Toto Riina

Le règne de Toto Riina, le "parrain des parrains", aura coïncidé avec une période de déclin pour Cosa Nostra, qui a pourtant déjà démontré sa capacité à se relever.

"Aujourd'hui meurt le protagoniste d'une époque, mais l'époque actuelle, même si elle est moins bruyante et sanglante, n'en est pas moins dangereuse parce que la mafia sait changer", a déclaré vendredi le ministre italien de la Justice, Andrea Orlando, après l'annonce de la mort de Toto Riina.

Surnommé "la belva" ("le fauve") en raison de sa légendaire cruauté, Toto Riina a fait régner la terreur pendant plus de vingt ans en Sicile et dans toute l'Italie, ordonnant des centaines d'assassinats, les plus connus étant ceux des juges anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino (1992). Une stratégie qui a conduit au déclin de l'organisation criminelle.

"Toto Riina figurera dans l'histoire comme celui qui a détruit Cosa Nostra", explique l'expert de la mafia Attilio Bolzoni. "Ces massacres sanglants qui ont fait des centaines, voire des milliers de morts, d'abord avec des kalachnikovs puis des bombes, ont rendu la mafia visible, ce qu'elle n'était pas auparavant".

"On ne tuait pas les femmes et (sous le règne de Riina) on a commencé à tuer les femmes. On ne tuait pas les enfants et on a vu quelques enfants être tués", a observé vendredi le repenti Gaspare Mutolo.

"Même s'il était en prison, Riina comptait pour la mafia. Et s'il ordonnait qu'une chose soit faite, si c'était réalisable, alors c'était fait", a expliqué cet homme de 77 ans, qui fut un ami de Riina avant de devenir collaborateur de justice en 1991.

- 'Honorable société' -

Capturé et incarcéré en janvier 1993 après plus de vingt années de cavale, Toto Riina organise rapidement sa vengeance. Cosa Nostra se met alors à poser des bombes à Rome, Florence et Milan.

Des attentats qui ne parviendront pas à enrayer l'affaiblissement progressif de la mafia qui a vu son influence reculer face ses deux concurrentes, la Camorra napolitaine et la 'Ndrangheta calabraise.

Depuis plusieurs années, celle qu'on appelé "l'honorable société" a aussi été durement mise à mal par les repentis, dont les témoignages ont été décisifs.

"Cosa Nostra est une organisation très structurée, semblable à une monarchie absolue. Tant que le roi est vivant, il n'est pas pensable de désigner un héritier", explique à l'AFP le chef de la direction nationale anti-mafia (DNA) Maurizio De Lucia.

"Il faut voir à présent si la mort de Riina sera suivie par un nouvel élan, ce qui selon moi est difficile, ou si elle est un pas supplémentaire vers la disparition de l'organisation criminelle".

- La succession -

Parmi les noms cités le plus souvent pour prendre les commandes de Cosa Nostra figure celui de Matteo Messina Denaro, un play-boy de 55 ans originaire de la région de Trapani (est de la Sicile) et décrit comme un amateur de vêtements et de voitures de luxe.

Accusé de plusieurs meurtres, dont celui d'un rival de Toto Riina en 1992, il est en fuite depuis plus de 20 ans.

Mais l'absence d'une figure charismatique capable de rassembler les clans rivaux complique aujourd'hui la succession à la tête de "la pieuvre".

Pour le procureur national anti-mafia Giovanni Russo, "l'organisation a su évoluer depuis longtemps en faisant un autre choix que la violence pour se concentrer sur des actions plus lucratives (...), comme l'infiltration des rouages de l'Etat, qui lui permet de participer aux grands appels d'offres".

Le trafic de drogue reste aussi une importante source de revenus.

Pour Pietro Grasso, ancien procureur national anti-mafia et actuel président du Sénat, la bataille est loin d'être terminée.

"Toto Riina emporte avec lui de nombreux mystères qu'il aurait été important d'élucider pour connaître la vérité: les alliances, les trames du pouvoir, les complicités internes et externes à la mafia, autant de choses que nous devons tous ensemble continuer à chercher".

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