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Ukraine: un mois après la trêve dans l'Est, peu croient en la paix

Les combats ont nettement baissé en intensité, les pertes humaines se font plus rares: un mois après son entrée en vigueur, le 15 février, le nouveau cessez-le-feu semble tenir dans l'est séparatiste prorusse de l'Ukraine. Pourtant, dans les deux camps, peu sont ceux qui croient en une paix durable.

"Ce que nous avons ce n'est pas la paix. Nous sommes toujours en guerre", lance Dmytro Nikitine, un ancien militant du Maïdan, le mouvement de contestation proeuropéen qui a abouti en 2014 à la chute du régime prorusse de l'ex-président Viktor Ianoukovitch, et précédé l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie, et le sanglant conflit dans l'Est.

Le jeune homme de 30 ans, qui à ses heures perdues continue de monter la garde sur cette place emblématique de Kiev avec d'autres volontaires, soupçonne les séparatistes, et les forces russes, qui selon Kiev et l'Occident les soutiennent, d'utiliser la trêve pour regrouper leurs forces.

"En ce moment, les terroristes deviennent très forts et nous ne faisons rien", dit-il, usant du terme employé par les autorités de Kiev pour qualifier les rebelles prorusses.

A Donetsk, un des fiefs des séparatistes, le respect du cessez-le-feu, entré en vigueur le 15 février, est aussi observé avec perplexité, après des mois de bombardements. "Je n'ai pas d'espoir, je ne crois pas en le cessez-le feu. Nous entendons toujours des obus tomber, même si c'est moins fréquent qu'avant", déclare Igor 30 ans, qui vit près de l'aéroport de Donetsk, théâtre de combats acharnés jusqu'à sa reprise par les rebelles en janvier.

- 'La Russie veut manipuler l'Ukraine' -

Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ont estimé jeudi que la trêve restait précaire dans l'Est, où le conflit a fait plus de 6.000 morts en onze mois.

Ils ont salué le fait que la plupart des combats étaient désormais menés avec des armes légères ou de petit calibre, mais ont reconnu deux zones restaient encore très "chaudes" : celle autour des ruines de l'aéroport de Donetsk et le village de Chirokiné à une dizaine de kilomètres du port stratégique de Marioupol, dernière grande ville de la zone de conflit sous contrôle de Kiev.

La prise de cette ville sur les bords de la mer d'Azov serait une étape clé dans la création d'un pont terrestre entre la Russie et la Crimée, encore très dépendante de l'Ukraine pour satisfaire ses besoins en eau et électricité.

Le gouvernement ukrainien ne cesse d'y dénoncer une concentration de troupes ainsi que le survol de drones.

Pourtant, selon l'analyste Kadri Liik, du Conseil européen des relations internationales, l'enjeu pourrait ne pas être territorial mais politique.

"Je ne crois pas que la Russie ou les rebelles veulent de Marioupol. Je n'ai jamais pensé qu'il s'agissait d'une question de territoire à la base. Je pense que ce que veut la Russie c'est s'assurer un contrôle sur le processus décisionnel de Kiev et (l'accord) Minsk 2 leur a plutôt donné ça", dit-elle à l'AFP.

L'analyste Liik faisait référence aux accords signés le 12 février avec la médiation du président français François Hollande et de la chancelière allemande Angela Merkel et en présence du président russe Vladimir Poutine, qui ont permis d'instaurer la nouvelle trêve et prévoient aussi entre autres le retrait des armes lourdes le long de la ligne de front.

Cet accord laisse aussi à l'Ukraine jusqu'à fin 2015 pour adopter des réformes constitutionnelles, prévoyant une "décentralisation" et un "statut spécial" pour les territoires sous contrôle des rebelles dans les régions de Donetsk et de Lougansk.

Après cela seulement, il est prévu que l'Ukraine ne reprenne le contrôle de sa frontière avec la Russie.

Les Russes "veulent être sûrs qu'ils peuvent toujours manipuler le débat en Ukraine dans le sens qu'ils jugent nécessaire", estime Mme Liik.

"Ainsi, ils seront toujours capables de bloquer un quelconque processus visant à rejoindre l'Otan et manipuler la relations entre l'Ukraine avec l'Union européenne", ajoute-t-elle.

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