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Une route longue et sinueuse avant un accord commercial UE/GB

Le chemin qui doit mener l'Union européenne à un accord de libre-échange avec un futur ancien membre, le Royaume-Uni, n'a jamais été emprunté: ces négociations sans précédent, dont la forme même reste inconnue, prendront des années.

Bruxelles a d'ores et déjà fermement prévenu qu'aucune discussion sur cette future relation ne débutera tant que les modalités de départ du Royaume-Uni, concernant notamment la "facture" du Brexit, n'auront pas d'abord été définies -- dans les prochains mois si tout se passe bien.

"Ce nouveau partenariat, il n'est pas trop tôt pour en esquisser les contours aujourd'hui, même s'il est trop tôt pour le négocier", a ainsi expliqué le négociateur en chef de la Commission européenne, le Français Michel Barnier.

A Londres, dans sa lettre lançant le début du processus de Brexit, la Première ministre Theresa May a souhaité mercredi un accord commercial "audacieux et ambitieux" avec l'Union.

Selon les textes européens, les deux parties ont deux ans pour s'accorder, dans un premier temps, sur le divorce du Royaume-Uni.

Mais si rien n'était alors prévu au bout des deux ans quant à leur future relation -- par exemple une période transitoire pour conclure un accord de libre-échange --, le Royaume-Uni deviendrait du jour au lendemain un pays tiers, soumis dans ses relations avec l'UE aux seules règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Un statut aberrant pour une telle puissance commerciale.

Même en l'absence d'accord de libre-échange, les relations de l'UE avec ses partenaires commerciaux sont toujours régies par des textes bilatéraux, plus d'une vingtaine par exemple avec les Etats-Unis.

"Bien que faible, ce risque n'est pas nul", estime pourtant la banque Berenberg dans une note sur le Brexit.

Les discussions sur le futur accord commercial seront "d'une ampleur monstre", selon Ivan Rogers, l'ex-ambassadeur du Royaume-Unis auprès de l'UE.

"C'est une négociation d'une envergure inédite, au moins depuis la Seconde Guerre mondiale", ajoute Sir Ivan qui a démissionné avec fracas début janvier en dénonçant le manque de préparation du gouvernement britannique.

Principale difficulté pour Londres et Bruxelles: les deux parties ne partent pas de zéro, comme pour n'importe quel autre accord de libre-échange, mais de standards et de règles parfaitement intégrées.

- Accord type CETA ? -

"Ce qui est devant nous, ce n'est pas la perspective d'une convergence réglementaire, mais le risque, ou la probabilité d'une divergence réglementaire qui pourrait nuire au marché intérieur", résume Michel Barnier, craignant un "dumping" de Londres une fois le Brexit acté.

Impossible d'imaginer aujourd'hui la forme de la future relation. Certains évoquent un accord proche de celui avec le Canada, le CETA, présenté comme "le meilleur" jamais conclu par l'UE.

Mais ce traité, aussi poussé soit-il, reste bien loin des attentes britanniques, ne serait-ce qu'en matière de services comme la finance, un secteur qui leur est cher.

Avec son marché de 450 millions de consommateurs, l'UE part en position de force face aux 65 millions de Britanniques.

Les négociateurs européens, rompus aux discussions commerciales, sont en outre bien plus aguerris que leurs homologues du Royaume-Uni, qui a transféré sa compétence en la matière à Bruxelles depuis les années 70.

"Le régime qui un jour sera offert au Royaume-Uni ne saurait être un régime aussi avantageux que celui" des Etats membres, répète à l'envi le président de la Commission Jean-Claude Juncker.

"Mieux vaut pas d'accord qu'un mauvais accord", lui répond Theresa May.

Ces postures laissent donc présager de longues négociations, rendant très incertaine une issue positive dans les deux ans à venir, bien qu'aucun scénario ne puisse être écarté.

"Un certain nombre d'arrangements transitoires pourraient être nécessaires", concède Michel Barnier.

Même les accords négociés avec la meilleure volonté du monde peuvent buter sur des détails, comme en témoigne l'accord que l'UE espérait conclure dès 2015 avec le Japon, mais qui risque même de ne pas aboutir en 2017.

Les discussions pourraient durer sept ans, selon le président du Conseil européen, Donald Tusk. D'autres parlent de 10 ans avant qu'un texte complet et ratifié par l'ensemble des Etats membres entre en application.

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