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"Egoïste", elle voulait tuer sa mère atteinte d'Alzheimer

"Il fallait que l'une meure pour que les autres vivent": c'est ainsi que Bernadette Colin, une ex-enseignante de 61 ans, a justifié jeudi devant les assises de l'Hérault ses tentatives de mettre fin aux jours de sa mère de 87 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer.

Vêtue d’une large chemise à fleurs, l'ex-professeur de français, qui comparaît libre après avoir effectué sept mois de détention provisoire, a détaillé avec éloquence le conflit qui l’opposait depuis toujours à sa mère sur sa féminité.

"J'étais considérée comme le garçon manqué de la famille", a-t-elle dit, révélant qu'elle pensait depuis plusieurs mois à tuer sa mère et que ses deux sœurs l'en avaient déjà dissuadée.

Le 25 avril 2009, Raymonde Colin, 87 ans, avait été découverte gisant dans une mare de sang à son domicile de Montpellier.

Les soupçons s'étaient immédiatement portés sur Bernadette, deuxième des trois filles de la fratrie, apparue en état de sidération, avec du sang séché sur les mains. Cette enseignante d'un lycée de Poissy (Yvelines) était venue rendre visite à sa mère lors des vacances scolaires.

La veille du 25 avril, elle avait d'abord essayé de lui donner une mort "douce et paisible", lui faisant avaler un cocktail alcoolisé dans lequel elle avait versé 3 sachets de Noctamide. Ce médicament traitant les troubles du sommeil n'avait fait qu'endormir Raymonde Colin.

A son réveil, l'enseignante avait alors tenté de l'étrangler, avant d'utiliser une cordelette. La tentative avait encore échoué. Elle avait alors décidé de poignarder l'octogénaire avec un couteau de cuisine. La lame s’était tordue contre une côte, ne provoquant que quelques entailles...

Réfutant la bipolarité de l'accusée mise en avant par trois psychiatres, une contre-expertise présentée jeudi par un autre psychiatre a insisté sur le fait que l'accusée ne présentait "aucun trouble", bien que profondément "dépressive et obsédée par la mort, comme le reste de sa famille". Il s'agit de tentatives de meurtre "altruistes", basées sur la "compassion et nourries par la littérature", a affirmé ce médecin.

Avec une franchise déconcertante, l'ex-professeur a nié cette dimension "altruiste" de son geste. "Ce n’était pas une euthanasie, ma mère ne m’a jamais demandé de l’aider à mourir. C’était avant tout égoïste: j’ai fait cela pour aller mieux, parce que je ne supportais plus sa déchéance. Il fallait que l'une meure pour que les autres vivent", a-t-elle justifié.

"Je n’avais pensé qu’aux médicaments, le reste a été de l’improvisation dans l’affolement. L’oreiller, c’est un souvenir littéraire. J’ai simplement souhaité donner une mort paisible et douce à ma mère, pour reprendre le titre du livre de Simone de Beauvoir", a-t-elle poursuivi, avant d’avouer : "je n’aurais jamais pensé être poursuivie, j’ai pensé que le médecin viendrait constater la mort et garderait le silence, comme autrefois".

La sexagénaire a ensuite admis avoir voulu maquiller son crime en suicide. Le 24 avril au soir, elle avait envoyé un SMS à une collègue indiquant que sa mère avait mis fin à ses jours pour "accréditer la thèse du suicide". Puis elle avait annulé la visite de l’infirmier, pour éviter "un gêneur".

Plus tard, après les tentatives de meurtre, elle avait essuyé le couteau ensanglanté avec un gant pour "effacer" ses empreintes et jeté les boites de médicaments administrés.

Devant ses deux soeurs, parties civiles, elle a également raconté ne pas avoir été capable d’aller jusqu’au bout de la strangulation ou de l’étouffement, et avoir volontairement choisi de ne pas poignarder sa mère au cœur, "car on ne frappe pas le sein qui nous a nourri".

Suspendue de l’Education nationale, elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

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