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"La police doit être plus disponible", estime le N.1 de la police nationale

A la veille d'une manifestation d'un collectif indépendant de policiers en colère, le nouveau directeur général de la police nationale, Eric Morvan, estime que "l'image généralisée d'une police misérabiliste n'est pas vraie" et dévoile sa philosophie de la police de sécurité quotidienne.

Question: Un collectif de policiers en colère appelle à manifester, samedi. Allez-vous le recevoir?

Réponse: "Je ne le recevrai pas. Ces collectifs et associations ne sont pas représentatifs. Ca ne veut pas dire que je méprise leur message mais le dialogue et la concertation sociale se passent avec les organisations syndicales qui ont été élues avec des taux de participation qui dépassent les 80%. Si les collectifs souhaitent porter leurs revendications de manière efficace, il faut qu'ils passent par le syndicalisme. Ca offre en plus l'avantage d'avoir des leaders, des interlocuteurs parfaitement identifiés et responsables de leurs actes. Le discours +syndicats, tous pourris+ a des relents inquiétants."

Q: Quel regard portez-vous sur le malaise policier dénoncé par ce collectif?

R: "Je ne mets pas la poussière sous le tapis. Je ne vous dirai jamais que tout va bien dans la police, qu'il n'y a pas de locaux en mauvais état, de véhicules trop anciens. Je pourrais moi aussi vous montrer des albums photos, avec des hôtels de police flambants neufs, mais je serais dans l'excès comme l'image de la police véhiculée par les associations. L'image généralisée d'une police misérabiliste, n'est pas vraie. Elle ne sert ni l'institution, ni les policiers.

Il faut comprendre les racines du malaise. Avant 2012, des avancées catégorielles très importantes pour la police ont été financées par des baisses drastiques d'effectifs. Ces avancées catégorielles sont une reconnaissance pour des policiers qui font un métier difficile, exposé. Mais on a raboté aussi un certain nombre de crédits d'immobilier, d'entretien et on a reporté sur un volume moins grand de policiers une activité opérationnelle qui elle, n'a pas décru. Il faut ajouter à cela le terrorisme qui s'est invité dans des formes inédites et affecte toute la société.

Depuis trois ans, nous avons engagé des recrutements massifs. Fin 2012, moins de 500 policiers sortaient des écoles de gardiens de la paix. En 2017, ils seront près de 5.000. Cette année, 35 millions sont consacrés à l'entretien courant des locaux, c'est deux fois plus qu'en 2016. Et en 2018, ce chiffre devrait augmenter encore de 10%."

Q: Que sera la police de sécurité du quotidien (PSQ)?

R: "La police, notamment dans les grandes zones urbaines, intervient majoritairement quand ça va mal. Elle est identifiée à une atmosphère de tensions donc pour que la +PSQ+ apaise un peu cette tendance, il faut que la police soit plus à l'écoute, plus proche, plus disponible à l'endroit de la population qu'elle protège. C'est la clef de tout. Il faut des effectifs plus nombreux mais il faut aussi que les méthodes évoluent. Cela passe par le recours à une série d'outils numériques, la réflexion sur l'évolution sur certains aspects de la procédure pénale. C'est aussi l'idée que la sécurité n'est pas une prestation qu'on consomme. Il faut qu'elle associe les citoyens, les élus. C'est encore se donner les moyens d'évaluer ce qu'on fait, et accepter que l'évaluation se fasse par les bénéficiaires de cette politique publique. Cela existe déjà sur le terrain. Il faut que ces interactions soient régulières, naturelles."

Q: La PSQ peut-elle être un outil contre le malaise policier?

R: "Tout ne peut être décidé par l'administration centrale. Nous dessinons des éléments de doctrine forts mais les initiatives reposent sur le terrain. La délinquance de Pau ne ressemble pas à celle de Toulouse ou de Nantes. Il faut redonner de la marge de manœuvre aux chefs de service. Et que les policiers de terrain puissent être écoutés. Il faut un dialogue permanent sur les sujets professionnels, dans le cadre d'une organisation qui restera hiérarchique, bien évidemment. Le commandement n'est pas exclusif de l'écoute, bien au contraire."

Q: La promesse de réforme de la procédure pénale fait naître beaucoup d'attente dans la police, qu'en attendez-vous?

R: "Il n'y aura pas d'antagonisme entre policiers et magistrats. Deux grands chantiers me semblent importants. D'abord la forfaitisation de certaines infractions ou délits. Ce n'est pas la peine de faire perdre son temps sur un certain nombre de contentieux de masse. L'autre grand chantier c'est la numérisation, la dématérialisation d'un certain nombre d'actes de procédure et pour un certain nombre d'infractions courantes, le recours effectif à des procédures simplifiées comme le PV unique même si c'est déjà inscrit dans la loi. Mais l'application en est encore trop peu développée."

Propos recueillis par Grégory DANEL

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