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A l'ENA, les élèves ne rêvent pas de carrière politique

"On n'a pas du tout vocation à devenir des hommes politiques": pour Roy Dauvergne et la plupart de ses camarades de promo, l'Ecole nationale d'administration (ENA) est avant tout un accélérateur de carrière pour accéder à la haute fonction publique.

Pour ce jeune homme de 27 ans aux cheveux mi-longs et larges lunettes brunes, l'ENA est loin du mythe de la "fabrique des hommes politiques".

"L'ENA ne sert pas à ça. Elle sert à former des cadres supérieurs de l'administration", assure ce diplômé de l'Ecole normale supérieure de Cachan issu du concours externe réservé aux étudiants, l'un des rares à ne pas avoir fait Sciences Po.

Professeur, économiste, chef d'entreprise ou comédien, 24 nationalités et 45% de femmes - un record - sont représentés parmi les 80 élèves de la promotion sortante Winston Churchill qui achèvera ses deux ans de formation dans quelques semaines.

Tous rejettent catégoriquement l'image d'Épinal qui fait passer les énarques pour des technocrates hautains, intéressés par une carrière politique.

Sur les quelque 6.500 français et 3.300 étrangers formés à l'ENA, seul un élève sur 100 poursuit une carrière politique, selon la direction de l'école.

Décentralisée en 1991 à Strasbourg, l'ENA a conservé sur sa façade les traces des barreaux de l'ancienne prison où elle s'est installée.

70 ans après sa création, l'école attire toujours autant d'hommes et de femmes - étudiants, salariés du public et du privé, acteurs du monde syndical, associatif et culturel - qui ont vocation à rejoindre l'élite de la haute fonction publique.

Il est vrai que la prestigieuse "école du pouvoir" a vu défiler sur ses bancs de nombreuses personnalités, trois présidents et sept Premiers ministres de la Ve République, des ministres, préfets et conseillers politiques.

- Jeux de rôles -

L'ENA passe souvent pour un "accélérateur de carrière", souligne la direction de l'école. Pour les femmes, l'ENA permet d'accéder à des postes trop souvent attribués aux hommes qui bénéficient automatiquement "d'une présomption de compétence", estime Elodie Chemarin, 32 ans, issue du concours interne réservé aux fonctionnaires.

"En tant que femme, avoir l'estampille ENA vous libère des accès qu'il est plus compliqué de trouver dans d'autres circonstances", estime la jeune femme qui, avant d'être énarque, a officié cinq ans comme contractuelle au ministère des Affaires étrangères.

"Je ne pouvais pas passer ingénieur, alors pour moi l'ENA était la bonne solution", explique Christelle Barassi, 39 ans, recrutée sur concours interne. Après 13 ans comme professeur des écoles puis comme attachée administrative au ministère de l'Ecologie, elle explique avoir eu "envie de +manager+ plus gros".

Mais l'ENA est aussi et avant tout "une école de terrain", selon Roy Dauvergne.

Les élèves effectuent au total un an de stages pratiques. Ils sont tous amenés à assurer l'intérim d'un directeur de cabinet de préfecture et se frottent aussi directement à la diplomatie quand ils effectuent des stages en ambassade.

"C'est le meilleur moyen d'apprendre", fait remarquer Félix Blossier, 25 ans, manteau décontracté et foulard, issu du concours externe. L'ENA est "une école très exigeante où on apprend des savoirs très concrets", souligne-t-il.

Au rythme soutenu de 35 heures de cours par semaine, les élèves apprennent à gérer à blanc des situations sensibles ou de crise par le biais de "jeux de rôle", pour incarner des hauts fonctionnaires confrontés à un éventail très varié de scénarios fictifs.

Le cursus est souvent jugé éprouvant par les élèves au niveau personnel. Il n'est pas rare qu'ils soient amenés à déménager jusqu'à neuf fois durant leur scolarité.

Plus de 1.400 candidats se présentent chaque année aux épreuves très sélectives des trois concours de l'ENA qui recrute à partir de Bac+3 des élèves qui, dans la pratique, sont bien souvent plus diplômés.

Une fois admis, ils s'engagent à servir dans la fonction publique pour un minimum de 10 ans et sont rémunérés par l'État durant les deux ans de leur formation, ce qui ne les empêche pas de rejoindre ensuite le secteur privé.

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