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A table chez ses voisins musulmans pour se libérer de la peur de l'islam: "Le foulard, ce n'est pas l'islam, c'est toutes les religions, regardez vos bonnes soeurs!"

Une association religieuse a mis sur pied des rencontres entre mususlmans et non musulmans autour d'un repas pour briser les tabous de l'islam.

Dans le salon de Munira, un tableau de La Mecque surplombe une miniature du Mont-Saint-Michel. Autour de sa table à Eaubonne, dans le Val-d'Oise, deux familles d'éducation chrétienne sont invitées à partager un repas pour "briser les tabous" autour de l'islam. "L'islam, celui qu'on voit à la télé, ce sont les attentats, c'est Charlie Hebdo, ça fait peur, on n'en a pas une bonne image", commence Corinne, la quarantaine. L'islam, cette coquette blonde au maquillage soigné le vit désormais au quotidien: "Mon fils, que j'ai fait baptiser, s'est converti il y a un an et demi."


"Il fallait briser les tabous, que les gens se posent les questions directement, se disent les choses, sans prêcher la bonne parole"

Venue du Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, elle a répondu à l'invitation de l'association religieuse Ahmadiyya, qui propose à des familles de venir déjeuner chez leurs voisins musulmans pour faire reculer l'islamophobie. Une opération qui s'inspire de campagnes déjà menées notamment au Canada. "Après les attentats, les gens se sont dit: 'Quelle place doit prendre l'islam'?", dit Asif Arif, membre de l'association. "Il fallait briser les tabous, que les gens se posent les questions directement, se disent les choses, sans prêcher la bonne parole."


"Est-ce que j'ai apporté le désordre à la maison?" "Non, tu es même un peu mieux"

"J'ai envie de comprendre, de connaître la religion de mon fils", explique Corinne. Sébastien, 26 ans, converti "après un échec", l'a accompagné. Béret vissé à l'envers, il l'apostrophe entre deux plats mauriciens préparés par l'hôte Munira, originaire de l'île. "Est-ce que j'ai apporté le désordre à la maison?" "Non, tu es même un peu mieux", concède-t-elle. Il enchaîne. "Est-ce que je t'ai ouvert une fenêtre sur l'islam ?" "Oui, avec toi, j'en ai une meilleure image". En bout de table, Rookaya, 61 ans, cousine de Munira, promeut son "islam de paix, qui respecte toutes les religions, reconnaît tous les prophètes", pas celui qui est "mal vu car mal interprété".


"Mais vous, si l'une de vos filles vous annonce demain 'je me convertis, je quitte l'islam', vous l'acceptez?"

"Mais vous, si l'une de vos filles vous annonce demain 'je me convertis, je quitte l'islam', vous l'acceptez?", la défie Corinne. "Ca me ferait beaucoup de mal, je n'accepterais pas, ma tolérance a des limites", reconnaît Rookaya. "Vous voyez, nous, on est plus tolérants!", la taquine Corinne. Face à ses contradictions, Rookaya sourit: "Elle serait toujours ma fille, mais ce serait sa responsabilité, sa relation avec Dieu".


Et le voile?

Derrière leurs assiettes, trois femmes portent le voile: Munira, sa fille Inès et Rookaya. "Pourquoi un foulard?", demande Corinne. Rookaya: "c'est juste un couvre-chef, comme une kippa, un turban, un chapeau. Le foulard, ce n'est pas l'islam, c'est toutes les religions, regardez vos bonnes soeurs!" "Pour nous les femmes, le voile, c'est toujours inquiétant, on a peur que ça se répercute sur nos droits. La femme voilée aurait plus de vertu que celle non voilée", craint Gabrielle, la trentaine et kinésithérapeute à Eaubonne. "Après on va toucher à la mini-jupe, aux talons?" poursuit un autre Sébastien, son compagnon, qui pointe "les dérives, les gens qui forcent les femmes à cacher leur visage". Rookaya trépigne: "Dans l'islam, les femmes se maquillent, s'habillent comme elles veulent, on est libres, on peut travailler, gagner notre argent". Mines dubitatives des invités. Aslam, mari de Munira, y voit l'effet "des médias qui manipulent" et ne parlent que "des Saoudiennes à qui on interdit de conduire".


Les caricatures et les attentats de janvier

Inévitablement, d'autres caricatures, celles de Mahomet, et les attentats de janvier s'intercalent entre le taboulé et la sauce pois chiches. "C'est une insulte", tranche Sébastien, le néo-musulman. "C'est une exagération, pour dénoncer", rétorque l'autre Sébastien. "Ca nous blesse, mais c'est leur droit, on ne fait rien", pose Munira, en médiatrice. A quelques mètres d'elle, sur le mur, un cadre avec le seul nom en arabe du prophète qui, rappelle avec malice Rookaya, a conseillé un jour: "Si tu cuisines quelque chose, mets beaucoup de sauce, comme ça tu pourras le partager avec tes voisins!"

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