Accueil Actu

Ajaccio: une salle de prière musulmane ravagée par un incendie

Une salle de prière musulmane d'Ajaccio a été ravagée très tôt samedi matin par un incendie très probablement d'origine criminelle, un acte condamné à la fois par les responsables nationalistes de l'île, le gouvernement et le président de la République.

Le feu s'est déclaré vers 04H30 et a été découvert vers 05H00 dans cette salle de prière située à l’entrée d’Ajaccio, dans le quartier de Mezzavia, l'une des deux plus importantes de la commune. Les pompiers ont rapidement éteint l'incendie.

Les murs noircis de l'édifice situé derrière le stade de football du Gazélec Ajaccio tenaient encore, a constaté une correspondante de l'AFP, mais l'ensemble, désormais interdit d'accès par la police, était très fortement endommagé.

L'enquête ouverte pour dégradation par incendie a été confiée à la police judiciaire et la sécurité publique.

Très tôt, le procureur de la République, Eric Bouillard, a indiqué que la piste criminelle était privilégiée, ce qu'a confirmé dans un communiqué le préfet de Corse Christophe Mirmand, qui avait évoqué sur place "des traces d'hydrocarbures" découvertes lors des premiers relevés.

Les enquêteurs ont reçu en milieu d'après-midi le renfort d'une équipe technique spécialisée de Marseille.

- "détermination du gouvernement" -

"Si son origine criminelle est confirmée, ses auteurs devront être rapidement identifiés et condamnés. Aucun acte antireligieux ne doit être toléré", a réagi le président de la République François Hollande dans un communiqué. Il a assuré les "concitoyens musulmans de Corse de la solidarité et de la protection de la République".

"Si l'origine criminelle est confirmée elle donnera lieu à la recherche active des auteurs, qui devront répondre de cet acte inacceptable devant la justice", avait affirmé un peu plus tôt le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, rappellant "la détermination du gouvernement à assurer la protection de tous les lieux de culte, et à assurer la liberté de culte partout sur le territoire".

"Les dégâts sont très, très importants", a affirmé auprès de l'AFP Abdallah Zekri, le président de l'Observatoire contre l'islamophobie, qui "condamne avec force cet acte vil et odieux".

Le bâtiment accueille aussi des jeunes pour des cours de soutien, a expliqué à l'AFP un fidèle, déplorant que "140 enfants" ne pourront pas être reçus dimanche. En fin de matinée avait été installée une petite pancarte en arabe sur la clôture de l'édifice. "Il s'agit d'une invocation quand il arrive un malheur", a expliqué un fidèle.

M. Zekri a demandé aux autorités de "faire toute la lumière sur cet évènement afin d'éviter l'escalade de la violence". "Il y a des gens qui veulent à tout prix mettre en péril le vivre-ensemble", a-t-il regretté, tout en appelant au calme.

Les dirigeants de l'île, le président autonomiste de l'exécutif Gilles Simeoni et le président indépendantiste de l'Assemblée territoriale Jean-Guy Talamoni, ont exprimé dans un communiqué commun leur "consternation". "S'en prendre à un lieu de culte est un acte incompréhensible et inacceptable, contraire aux valeurs fondamentales du peuple corse, et notamment à la tradition multiséculaire de tolérance religieuse héritée de Pasquale Paoli (philosophe et homme politique du XVIIIème siècle considéré comme le père de l'identité corse, ndlr)", ont-ils ajouté.

- "Actes intolérables" -

Ce sinistre survient quelques mois après les débordements racistes et antimusulmans qui avaient accompagné les manifestations ayant suivi l'agression de pompiers attirés dans un guet-apens dans le quartier populaire des Jardins de l'Empereur le soir de Noël à Ajaccio.

Une salle de prière musulmane avait été saccagée et des corans brûlés. Des slogans comme "Arabi fora" (les Arabes dehors, ndlr) ou "On est chez nous" avaient été scandés au cours de défilés dans le quartier.

D'autres actes antimusulmans avaient été enregistrés par la suite, notamment le dépôt d'une dépouille de sanglier devant une salle de prière musulmane, et des graffitis "les Arabes dehors" au bord des routes.

Dans un communiqué, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a condamné "avec la plus grande vigueur ces actes intolérables qui visent des lieux de culte, lieux de prière et de sérénité".

Le CFCM s'est dit "profondément choqué par cette nouvelle attaque qui intervient quatre mois après le saccage d’une autre mosquée à Ajaccio".

"La Grande Mosque´e de Paris condamne avec la plus grande fermete´ l'incendie criminel ... qui vient s'ajouter a` la litanie des actes islamophobes", a écrit Dalil Boubakeur dans un communiqué. Cet acte "est l'expression de la haine dont l'objectif premier est d'attiser les tensions pour mettre a` bas le vivre-ensemble auquel sont profonde´ment attache´s les Franc¸ais fide`les a` la Re´publique et e´pris de ses valeurs"; a-t-il ajouté.

À la une

Sélectionné pour vous