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Analyse du changement du Front National en France: un parti désormais "capable de gagner un jour une élection majeure"

Ce dimanche, Marine Le Pen a réuni 8.000 partisans au Zénith de Lille. Ce qui a frappé notre envoyé spécial Christophe Giltay, c’est la diversité des citoyens qui sont venus l’applaudir ; une population qu’il compare à celle qui venait aux meetings de Sarkozy précédemment. De quoi faire du FN un parti capable de gagner un jour une grande élection. En attendant, là où ils sont au pouvoir comme à Hénin-Beaumont, ils tentent de montrer le visage le moins extrême du parti… et ça marche. Car si les extrémistes divisaient, les populistes qu'ils sont devenus, eux, rassemblent.

Depuis 3 ans, le Front National dirige la commune d’Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Steeve Briois y a renversé la majorité de gauche et défend son bilan : "La première priorité est de diminuer la fiscalité à terme. La deuxième, c’est la sécurité avec le redéploiement de la police municipale sur le terrain."


Pas de grande différence entre la gestion PS et FN dans la commune

"Nous il n’y a vraiment que l’efficacité qui nous gouverne, c’est notre mot d’ordre, et c’est pour ça qu’en 3 ans on est arrivés à beaucoup de résultats"
, expliquait également Christopher Szczurek, l’adjoint de M. Briois.

Un discours policé qui parle de résultats. Mais dans les faits, les habitants ne voient presqu’aucun changement par rapport à l’époque où c’était le PS qui les dirigeait. "Je ne trouve pas qu’il y a tant de différences entre l’un ou l’autre", avouait un jeune homme croisée en ville. "Pour moi, il n’y a pas grand-chose qui a changé. C’est la même chose", confirmait un autre.


Le commerce du centre-ville va mieux

Seul vrai changement notable, et de l’avis unanime : le centre-ville se revitalise. De nouveaux magasins sont arrivés, avec pour but de diversifier l’offre. Le business, "ça n’a rien avoir avec la politique", explique le président de l’Union Commerciale locale, Eric Daussin, qui prend un contre-exemple à une éventuelle vision raciste de la politique locale du FN : "C’est simplement la logique. Cinq kebabs, il y en a un qui va mourir, mais c’est peut-être celui qui est déjà installé. Alors qu’on pourrait très bien faire vivre un fromager ou un pâtissier." 


L'opposition PS muselée pour ne pas faire de vagues

Aucune tension entre les communautés n’y est à déplorer. C’est comme si l’ADN d’extrême-droite avait été gommé. Pour l’ex-maire PS Eugène Binaisse, c’est d’ailleurs exactement ce qui se passe... à l’extérieur. Car au niveau de la politique interne à la mairie, "une sorte de chape de plomb s’est abattue sur cette ville", dénonce-t-il. "Il faut faire bien, il faut qu’il n’y ait pas de vague, c’est un laboratoire donc tout est aseptisé."


Pourtant toujours bien un parti d'extrême-droite au vu de ses amis politiques

Laboratoire ou vitrine de la gestion publique par le FN, peu importe le nom : cela colle à la vision rassembleuse que veut apporter Marine Le Pen, malgré le fait que les électeurs d’extrême-droite n’y voient pas le changement radical peut-être attendu par certains... Pourtant, sous ce gros travail de dédiabolisation, le FN reste bel et bien un parti d’extrême-droite. Pour preuve, les sympathisants venus à Lille ce dimanche. On y retrouvait d’ailleurs beaucoup de Belges, comme Gerold Annemans, député européen Vlaams Belang qui siège avec Marine Le Pen au parlement européen dans le même groupe politique, et dont il est le trésorier: "Je suis très proche d’elle et de ses idées bien sûr."

Ou un Flamand venu à vélo car il n’a pas les moyens de s’offrir une voiture. "Je vis dans la précarité à cause du gouvernement de Charles Michel. Je ne peux pas en dire plus sur ma vie privée. J’essaie de venir démocratiquement." On y a même vu un membre du parti d’extrême droite des Pays-Bas.


L'immigration fait toujours recette

Le Nord, tout comme la région PACA, est un fief du Front National. Et c’est logiquement au son de "On est chez nous" que Marine Le Pen a été accueillie. Son discours s’est voulu anti-migrants et anti-Macron, le candidat centriste qui l’a devancée dans les toutes dernières intentions de vote. A la fin, les partisans de Marine Le Pen étaient heureux : "On a déjà gagné" ou "On va gagner" était sur toutes les lèvres.

Si passer le premier tour semble acquis, Marine Le Pen est pourtant donnée perdante au second, peu importe contre lequel des 4 autres grands candidats elle tombera. C’est pourquoi pendant son discours, elle a évoqué Donald Trump, que peu d’observateurs avaient vu venir.


Le parti est devenu rassembleur, ce que n'exclut plus un scénario à la Trump

Est-il possible qu’elle gagne son pari ? Pour Christophe Giltay, ce n’est pas "improbable" car désormais, le FN rassemble au lieu de diviser : "Il y avait des jeunes, des vieux, des riches, des moins-riches, à peu près toutes les couches de la population française y étaient représentés. Il y a avait même quelques immigrés, des gens de couleur. Il y a quelques années, le FN était plus clivant. Ce public, on aurait pu le voir à un meeting de Sarkozy il y a 5 ans. C’est ça le nouvel atout du FN : il traverse maintenant toutes les couches de la société française, ce qui en fait un parti capable de gagner un jour une élection majeure."

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