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Après Irma, les victimes ont besoin de se confier

"Rasée, rasée, rasée. Ma maison, complètement rasée". Dans la cour d'une école du Quartier d'Orléans, un des endroits les plus déshérités sur l'île de Saint-Martin, la voix éteinte de Daniel Docius murmure à l'oreille d'un bénévole de la Croix-Rouge.

Six jours après le passage de l'ouragan monstre Irma sur Saint-Martin, le paysage de l'île offre toujours des plaies béantes aux yeux de tous. Mais derrière les apparences et les sourires, les blessures psychologiques commencent à émerger.

Tête penchée, en signe de compréhension, le bénévole écoute la peine de celui qui a tout perdu.

La maison de Daniel, 56 ans, était en bois, comme celles de nombreux bâtiments du Quartier d'Orléans. Irma et ses vents à 300km/h ont soufflé l'abri de fortune comme un vulgaire pissenlit.

"Je n'ai plus rien, même pas de vêtements", explique ce Saint-Martinois longiligne. "J'ai juste ces souliers", ajoute-t-il, en désignant une paire de tongs.

Face à cette détresse, les bénévoles offrent quelques mots de réconfort. Il faut tenir le coup. "Vous avez de quoi manger un petit peu?"

Selon le dernier bilan, Irma a fait 11 morts sur la partie française de Saint-Martin, et quatre côté néerlandais. Mais combien de traumatisés qui n'oseront pas aller voir un psychologue, même dans une cellule d'urgence? Pour eux, les bénévoles et travailleurs humanitaires de l'île seront une béquille essentielle dans les prochaines semaines.

"Beaucoup de gens ont besoin de parler", relate Zalissa Niset, responsable du samu social de la Croix-Rouge locale. "Certains nous arrêtent pour une petite raison médicale et puis ils ont les larmes aux yeux. Ils nous disent: + J'ai eu peur, j'ai perdu ma maison+".

Les bénévoles de la Croix-Rouge nationale commencent à affluer sur l'île - une vingtaine sont arrivés lundi - et ont bien conscience de la tâche à venir.

"Notre travail, ce n'est pas seulement de distribuer un pack d'eau. On apporte aussi du lien social et de la présence", résume Samuel Dauphin, responsable de la mission spéciale dépêchée par l'association à Saint-Martin.

- "Une main" dans les décombres -

Dans l'école Claire Saint-Maximin, les enfants jouent au Uno, se disputent un sifflet. Leur vitalité contraste avec celle de nombreux adultes réfugiés ici.

Certains déambulent le long de la coursive à l'étage, tels des zombies. Encore juvénile sous ses tresses de 19 ans, Orkeel Carty est fébrile. Sa main tendue vers le ciel, il montre le niveau jusqu'où l'eau est montée, dans sa maisonnette non loin de l'océan.

Pour échapper à la noyade, il a fallu sortir, puis "courir d'une maison à une autre", pendant l'ouragan. Il s'est réfugié dans l'école, avec trois autres familles et a fini par se confiner dans les toilettes.

Depuis, le bilan de l'ouragan le travaille. "Mon cousin a ramassé une main avec un tractopelle", explique-t-il. "Donc c'est que quelqu'un est mort et n'a pas été encore retrouvé", suppute le jeune homme.

"Certains ont vraiment la sensation d'être oubliés. C'est très important qu'ils ne le soient pas", témoigne Mme Niset du samu social.

Assis sur une chaise, Joseph Royer réclame qu'on vienne le voir. Avec sa carrure de lutteur, ce jardinier commence par se plaindre de sa sciatique et demande que l'école soit mieux ravitaillée en eau: la classe où il loge avec huit autres personnes n'a reçu que six bouteilles aujourd'hui.

Rapidement, il enchaîne sur son récit de l'ouragan. "La toiture s'est effondrée sur nous. On était bloqués au départ, ma femme et mes trois enfants", raconte-t-il. "C'est moi qui ai dû nous sortir des décombres, j'ai cru que je n'allais pas y arriver".

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