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Assurance chômage: un signal fort des partenaires sociaux en pleine campagne

En s'accordant in extremis sur de nouvelles règles d'assurance chômage, au prix d'importantes concessions, patronat et syndicats ont marqué leur volonté de garder la main sur le régime face à la menace de certains candidats à la présidentielle d'en reprendre les rênes.

"Le paritarisme n'est pas mort", a lancé le négociateur de Force ouvrière, Michel Beaugas, mardi soir à l'issue de plus de douze heures de tractations.

Le compromis a été arraché par les trois organisations patronales (Medef, CPME et U2P) et quatre des cinq syndicats (CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC à l'exception de la CGT) près d'un an après l'échec des précédentes négociations, lié au désaccord sur les contrats de travail précaires.

Cette fois, la pression des échéances électorales a poussé les deux camps à lâcher du lest.

Car les programmes de certains favoris des sondages mettent à mal le paritarisme. Emmanuel Macron (En Marche!) prévoit de transformer l'assurance chômage en un régime universel "piloté" par l'Etat, et prône un système de bonus-malus pour les contrats courts. François Fillon (LR), favorable à une dégressivité des allocations chômage, a menacé de reprendre la main si le résultat des négociations ne lui convenait pas.

Pour Denis Gravouil (CGT), ce contexte a interféré dans la négociation, le patronat faisant "un chantage à une baisse de droits plus importante en cas d'alternance politique, un chantage à la fin du paritarisme", mais "à quel prix".

Son homologue de la CFDT, Véronique Descacq, s'est défendue de vouloir "signer n'importe quoi parce qu'il y a la présidentielle dans le spectre".

- Agrément incertain -

Le patronat a fini par accepter une légère hausse de ses cotisations et un maintien pendant 18 mois de la surcotisation sur les CDD d'usage, moyennant une baisse des cotisations AGS (organisme de garantie des salaires). Bien que le coût total soit quasi nul pour les entreprises, la pilule passe mal dans certaines fédérations professionnelles, au point que le président de la fédération du bâtiment, Jacques Chanut, a démissionné lundi soir du pôle social du Medef.

La hausse de cotisations "est un engagement qui montre notre attachement au paritarisme", a souligné Alexandre Saubot, négociateur du Medef.

Les syndicats ont eux aussi fait des concessions de taille, notamment FO sur les seniors, qui entreront plus tard, à 53 ans et non plus 50, dans une filière d'indemnisation plus protectrice.

Au final, l'accord prévoit plus d'un milliard d'euros d'économies et de recettes nouvelles, un "acte de responsabilité" des partenaires sociaux selon M. Saubot, dans la gestion d'un régime qui perd environ quatre milliards d'euros par an.

Le gouvernement a maintenant tout intérêt à agréer rapidement un texte qui "démontre toute la pertinence de la philosophie" du quinquennat de François Hollande, centrée sur le dialogue social, comme l'a souligné Myriam El Khomri, sa ministre du Travail.

Mais en aura-t-il le temps avant mai ? Rien n'est moins sûr. L'Unédic, qui gère le régime, doit d'abord transposer juridiquement le texte, en veillant à éviter les risques de contentieux comme avec la convention de 2014, retoquée partiellement par le Conseil d'Etat.

Cette phase devrait durer "quelques semaines" selon l'Unédic, puis le texte sera transmis au ministère du Travail qui devra consulter notamment le Cnefop, une instance paritaire, avant de lancer la procédure d'agrément.

"Techniquement, c'est jouable en trois semaines maximum", dès la réception du texte de l'Unédic, assure-t-on au ministère. Les délais habituels seraient alors divisés par trois.

Sinon, c'est au futur gouvernement qu'incombera la tâche d'agréer l'accord ou pas. L'entourage de M. Macron voit dans l'accord un "signe de responsabilité" mais ne se prononce pas sur sa validation.

"Je ne vois pas pourquoi le prochain exécutif renoncerait à un milliard d'euros d'économies dans la situation du pays, à une surcotisation payée pendant trois ans par les entreprises, et à un accord signé par sept partenaires sociaux sur huit", a commenté un négociateur.

"L'assurance chômage est un élément important de la cohésion sociale du pays; il ne faudrait pas en rendre à l'Etat la gestion car il n'y a pas mieux que les représentants des salariés et des entreprises pour savoir comment les choses se passent et ce qu'il est réaliste de faire", a souligné de son côté M. Saubot auprès de l'AFP.

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