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L'Autriche se prépare à un nouveau marathon présidentiel

Le Brexit, bénédiction ou piège pour les populistes autrichiens ? La question européenne promet de s'inviter dans la campagne présidentielle où le populiste Norbert Hofer défie une seconde fois l'écologiste Alexander Van der Bellen, dont il a obtenu l'annulation de l'élection.

Dans une décision sans précédent, la Cour constitutionnelle de Vienne a validé vendredi le recours du parti d'extrême droite FPÖ qui contestait la régularité de l'élection présidentielle, remportée en mai avec 30.863 voix d'avance par M. Van der Bellen, 72 ans, mais entachée d'irrégularités formelles.

Saluée par la presse comme un indéniable "succès" pour M. Hofer et sa formation, l'annulation du scrutin et la convocation attendue d'un nouveau vote à l'automne s'inscrit dans un contexte européen bouleversé par le vote britannique en faveur d'une sortie de l'Union européenne.

"Le sujet va immanquablement s'imposer durant la campagne", alors qu'il était resté sous-jacent au printemps, estime le politologue Thomas Hofer, interrogé par l'AFP.

Une occasion inespérée, selon les alliés populistes du FPÖ en Europe, de voir pour la première fois un dirigeant issu de l'extrême droite accéder à la magistrature suprême dans un pays de l'UE.

"Ce nouveau scrutin est une très bonne nouvelle pour les patriotes", a salué Marine Le Pen, la présidente du Front national français, estimant qu'"après l'heureuse victoire du Brexit au Royaume-Uni (...) l'Autriche a elle aussi l'occasion de retrouver le chemin de la liberté et de la fierté nationale".

- 'Attentes élevées' pour le FPÖ -

Mais la carte eurosceptique peut s'avérer délicate à manier pour M. Hofer, 45 ans, alors que l'Autriche, un pays situé au coeur de l'Europe, est très dépendant de ses exportations.

"Une large majorité des Autrichiens (est) opposée à une sortie de l'UE", rappelle le politologue Hubert Sickinger, selon qui M. Hofer "s'efforcera probablement de ne pas trop en faire sur le sujet".

Le FPÖ, l'un des partis d'extrême droite du continent les mieux implantés électoralement, milite, comme le Front National, pour une Europe "à la carte".

M. Hofer a toutefois récemment durci sa position, laissant planer la menace d'un référendum si l'Union n'engageait pas rapidement des réformes.

"Mais s'il venait à prôner clairement une sortie de l'UE, cela favoriserait M. Van der Bellen", juge M. Sickinger.

Pour Thomas Hofer, "la situation est en réalité assez délicate pour le FPÖ. Les attentes de son électorat sont désormais très élevées. Or le socle anti-UE ne dépasse pas 40% en Autriche et M. Hofer devra continuer à être très prudent".

Sans vouloir dévoiler ses futurs axes de campagne, M. Van der Bellen, un Européen convaincu, s'est dit "très confiant" en une nouvelle victoire, relevant que la thématique du Brexit "restera d'actualité" lors du nouveau vote après l'été.

"Qui sait où en sera la Grande-Bretagne en septembre ? Le Brexit a gagné mais on ne peut pas dire que l'allégresse y règne", relève l'analyste David Pfarrhofer, selon qui M. Van der Bellen pourrait capitaliser sur le sujet.

- Electorat hétérogène -

Reste que le candidat écologiste devra, pour espérer l'emporter à nouveau, bénéficier d'une mobilisation au moins aussi importante qu'au printemps, où il avait refait un retard de quelque 14 points par rapport au premier tour.

"Il a recueilli des voix politiquement beaucoup plus hétérogènes que M. Hofer, allant du centre-droit à la gauche, alors que le candidat FPÖ peut s'appuyer sur l'électorat fidèle de ce parti, plus facile à mobiliser", estime le politologue Anton Pelinka.

Pour Josef Huber, 80 ans, un directeur commercial viennois retraité, "le même nombre de gens, voire davantage, iront voter". "Moi j'irai, et je voterai de la même façon", assure-t-il.

Pour Daniel, un coiffeur âgé de 26 ans, "le résultat ne sera pas différent". "Je voterai à nouveau Van der Bellen", a-t-il confié.

Crédité de 21,3% seulement des voix au premier tour, loin derrière son adversaire qui en avait obtenu 35%, M. Van der Bellen avait bénéficié d'une participation électorale en hausse (72,7%) et d'importants reports de voix des partis traditionnels, qui avaient subi un revers historique.

Le scrutin a été annulé en raison d'irrégularités dans le décompte de quelque 78.000 voix. Aucune fraude n'a toutefois été mise à jour. L'intérim à la tête de l'Etat, où M. Van der Hofer devait prendre ses fonctions le 8 juillet, sera assuré par la présidente et les deux vice-présidents du la chambre basse du Parlement... dont M. Hofer.

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