Accueil Actu

Bahreïn: la condamnation en appel du chef de l'opposition ravive les tensions

Les tensions politiques se sont aggravées lundi dans le royaume de Bahreïn après la décision d'une cour d'appel d'alourdir fortement une peine de prison contre le chef de l'opposition chiite qui réclame des réformes à la dynastie sunnite au pouvoir.

Cheikh Ali Salmane, qui dirige le principal mouvement d'opposition Al-Wefaq, avait été condamné en juin 2015 à quatre ans de prison pour incitation à la désobéissance. Lundi, la première Haute cour d'appel criminelle a porté cette peine à neuf ans.

En première instance, cheikh Salmane, 51 ans, avait été reconnu coupable d'avoir "incité publiquement à la haine contre les adeptes d'une confession", en référence aux sunnites, d'avoir "incité à la désobéissance" et d'avoir porté atteinte au ministère de l'Intérieur en qualifiant ses employés de "mercenaires", selon les autorités.

Lundi, la Haute cour d'appel l'a condamné pour complot contre le régime, un chef d'accusation qui n'avait pourtant pas été retenu en première instance.

D'importantes mesures de sécurité avaient été prises autour du tribunal à Manama. Cheikh Ali Salmane, présent à l'audience, a été reconduit en prison après l'énoncé du verdict, selon des témoins.

Le nouveau jugement, intervenu dans un contexte de tensions à Bahreïn en l'absence de dialogue entre le régime et l'opposition, a été dénoncé par Al-Wefaq qui l'a qualifié d'"inacceptable" et de "provocateur".

Ce verdict témoigne de "l'insistance du régime à ignorer les appels à une solution et à exacerber la crise politique à Bahreïn", a ajouté Al-Wefaq dans un communiqué.

Le mouvement a souligné sa détermination à oeuvrer pour "l'instauration d'une véritable démocratie (...) par un dialogue sérieux", comme "le réclamait cheikh Ali Salmane".

Le jugement en appel "complique davantage la crise", ont souligné quatre autres groupes de l'opposition, tout en exhortant les autorités à "renoncer à l'option sécuritaire".

Depuis les Etats-Unis, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights First a estimé que le verdict est "une action dangereuse du régime", risquant d'"accroître l'instabilité" dans ce petit pays du Golfe secoué par des violences politiques depuis plus de cinq ans.

Ces derniers mois, des ONG et des gouvernements occidentaux ont multiplié les appels aux autorités bahreïnies pour un règlement pacifique de la crise dans ce royaume, proche allié de Washington.

En visite en avril à Manama, le secrétaire d'Etat américain John Kerry avait déploré "les divisions" confessionnelles à Bahreïn, estimant "essentiel" pour ce pays de respecter les droits de l'Homme.

- Manifestations chiites -

La tension était vive depuis dimanche dans des villages chiites autour de Manama, où des dizaines de jeunes ont manifesté dans la nuit pour réclamer la libération du chef d'Al-Wefaq, selon des habitants.

Arborant le drapeau national, les protestataires ont défilé aux cris de "Nous voulons la libération de cheikh Salmane" et "Nous n'oublierons jamais les prisonniers", ont ajouté des témoins.

L'arrestation fin décembre 2014 du leader chiite avait provoqué des manifestations et avait été condamnée par des organisations de défense des droits de l'Homme.

Al-Wefaq est le principal animateur de la contestation qui a débuté en février 2011 à Bahreïn où la majorité chiite réclame à la dynastie sunnite au pouvoir des réformes politiques et une véritable monarchie constitutionnelle.

Siège de la Ve flotte américaine, Bahreïn, qui compte 1,3 million d'habitants, a organisé en novembre 2014 des élections, boycottées par l'opposition.

Depuis, l'impasse politique est totale et la justice multiplie les procès de manifestants, condamnés souvent à de lourdes peines de prison pour "atteinte à la sécurité". Certains ont eu leur nationalité bahreïnie retirée.

En mars, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch avait exhorté Manama à renoncer à l'expulsion des citoyens déchus de leur nationalité après des décisions de justice.

En novembre, Al-Wefaq avait recensé au moins 187 cas de Bahreïnis déchus de leur nationalité ces dernières années, et accusé les autorités de recourir à cette mesure pour "des raisons politiques".

Le pouvoir nie toute discrimination envers les chiites à Bahreïn, où de nombreux opposants sont emprisonnés. Il accuse régulièrement l'Iran d'être derrière des "tentatives de déstabilisation".

À la une

Sélectionné pour vous