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Brésil: le président du Sénat suspendu de ses fonctions

Le Brésil s'est enfoncé lundi un peu plus dans une crise institutionnelle à l'issue imprévisible, un juge de la Cour suprême ayant suspendu de ses fonctions le puissant président du Sénat Renan Calheiros.

Le juge du Tribunal suprême fédéral (STF) Marco Aurelio Mello a suspendu de ses fonctions "avec effet immédiat", M. Calheiros, troisième personnage de l'Etat, quatre jours après sa mise en accusation par la haute juridiction pour "détournements de fonds publics".

Figure hautement controversée sous le coup d'une douzaines d'enquêtes judiciaires pour corruption, M. Calheiros est à l'épicentre des vives tentions qui opposent depuis plusieurs semaines juges et parlementaires brésiliens.

La décision préliminaire du juge Mello fait droit à une requête présentée en urgence par le parti d'opposition écologiste Rede, a indiqué à l'AFP une source du service de communication du Tribunal suprême fédéral (STF).

Cette formation, dirigée par l'ancienne candidate à l'élection présidentielle Marina Silva, a allégué qu'en vertu d'une décision récente du STF encore non définitivement en vigueur, une personnalité inculpée ne pouvait occuper une fonction dans la ligne de succession présidentielle.

Or en tant que président du Sénat, M. Calheiros occupe le second rang dans l'ordre de succession de l'actuel président Michel Temer, membre comme lui du parti de centre droit PMDB, après le président du Congrès des députés Rodrigo Maia (DEM, droite).

Sa suspension ne deviendra néanmoins définitive que si elle venait ultérieurement à être confirmée par une majorité des juges du Tribunal Suprême fédéral, a précisé la source interrogée par l'AFP.

Le couperet est tombé au lendemain de manifestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de Brésiliens à travers le pays en défense des procureurs anti-corruption et du juge fédéral Sergio Moro chargés de l'enquête sur les détournements de fonds autour du groupe étatique Petrobras.

- La bombe Odebrecht -

M. Calheiros y a figuré comme la principale cible de la colère de ces marches convoquées par des mouvements citoyens de droite qui avaient mobilisé des centaines de milliers de Brésiliens dans les rues au printemps pour réclamer la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff.

Le président du Sénat s'était illustré ces derniers jours en prenant la tête d'une fronde parlementaire contre les magistrats du dossier Petrobras.

Cette enquête mettant en cause des dizaines de parlementaires tétanise d'autant plus la classe politique que le N°1 du BTP brésilien Odebrecht a conclu mercredi un accord de collaboration explosif avec les enquêteurs en échange de remises de peine.

Les députés ont ainsi adopté mercredi dernier à l'aube en première lecture un paquet de mesures anti-corruption vidées de leur substance par de nombreux amendements, que M. Calheiros a tenté de faire entériner en urgence le soir-même par les sénateurs.

Les députés avaient en particulier provoqué la fureur des magistrats en introduisant en catimini un amendement prévoyant des peines de deux ans d'emprisonnement pour les juges et procureurs qui se rendraient coupables "d'abus d'autorité" dans l'exercice de leurs fonctions.

Les magistrats du dossier Petrobras avaient immédiatement riposté en menaçant de démissionner en bloc si cette mesure visant selon eux à les museler était entérinée par les deux chambres et promulguée par le président Temer.

- Amnistie déguisée -

Quelques jours plus tôt, les députés avaient déjà tenté de faire passer une amnistie déguisée des financements occultes des campagnes électorales.

Mais face à un vent de révolte sur les réseaux sociaux, le président Temer avait improvisé, le dimanche 27 novembre, une conférence de presse avec les présidents des deux chambres pour jurer qu'ils s'opposerait à "toute mesure de cette nature".

La suspension de M. Calheiros illustre la profondeur de la crise qui déchire le Brésil depuis le début de l'année.

Celle-ci aura vu en moins d'un an la présidente Dilma Rousseff destituée pour maquillage des comptes publics par le Parlement dans des conditions très controversées, puis son ennemi jurés, l'ex-président du Congrès des députés Eduardo Cunha, membre du PMDB de M. Temer, déchu de ses fonctions, inculpé et écroué pour corruption dans l'affaire Petrobras.

La suspension de M. Calheiros tombe au plus mal pour le président Temer qui peine à mettre en oeuvre son impopulaire programme de redressement économique du Brésil, toujours profondément enfoncé dans la récession.

Le président Temer apparaît coincé entre le besoin vital de maintenir la cohésion de sa coalition parlementaires pour faire approuver ses mesures - gel des dépenses publiques pendant 20 ans, réforme du système des retraites - et son engagement de ne pas entraver les enquêtes anti-corruption.

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