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Déficit: Paris décroche de justesse un nouveau délai de deux ans

Bruxelles a accordé mercredi de justesse un nouveau délai à la France jusqu'en 2017, en pleine année électorale, pour ramener son déficit sous la barre des 3%, mais entend serrer la vis au pays abonné aux dérapages budgétaires et qui ne se réforme pas assez vite à son goût.

L'annonce, initialement prévue dans quelques jours, a été faite à la surprise générale à l'issue d'un débat d'orientation entre commissaires européens.

L'exécutif européen a décidé à l'unanimité de "proposer une nouvelle recommandation à la France (sur le calendrier de réduction des déficits) avec une nouvelle échéance en 2017", a annoncé le vice-président de la Commission chargé de l'Euro, Valdis Dombrovskis.

Le débat au sein de la Commission a été "très intense et fouillé", et le cas de la France "a été le plus compliqué", a-t-il reconnu. Selon une source européenne, l'ancien Premier ministre letton, fervent défenseur de l'orthodoxie budgétaire, a même demandé le lancement d'une procédure de sanctions à l'encontre de la France, ce qui aurait été du jamais vu.

La deuxième économie de la zone euro a jusqu'ici toujours bénéficié de la clémence de la Commission : elle a déjà obtenu deux délais pour ramener son déficit sous 3% et son projet de budget 2015 n'a pas été retoqué malgré des insuffisances en terme de réduction du déficit structurel. Une situation qui irrite ses partenaires, qui y voient un traitement de faveur.

"Les sanctions, nous ne les excluons en aucun cas", s'est défendu le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, ex-ministre français des Finances.

Il a insisté sur le fait que la Commission a proposé un délai de deux "et pas de trois ans", ce qui va contraindre le gouvernement français à faire adopter des mesures impopulaires en pleine campagne pour la présidentielle de 2017. "C'est une mesure exactement calibrée", a-t-il poursuivi.

- La France 'en train de se bouger'-

Le scénario d'un délai de trois ans hérissait au plus haut point certains membres de la Commission, dont son représentant allemand Gunther Oettinger, chargé de l'Economie numérique. Lundi, dans les pages du quotidien économique Handelsblatt, il protestait contre le possible octroi d'un tel répit à Paris.

Le gouvernement français prévoit un déficit de 4,1% en 2015 et un retour sous la limite des 3% en 2017, objectif réaffirmé mercredi après les annonces à Bruxelles. L'objectif pour 2017 est jugé peu crédible par de nombreux analystes, compte tenu du calendrier politique.

Cela "va exiger des efforts très importants de la France et la Commission est très exigeante", a affirmé M. Moscovici, même si "les efforts" faits jusqu'ici ne sont "pas négligeables".

Le pays devra donner très rapidement des gages de rigueur budgétaire en réduisant son déficit structurel (hors effet de la conjoncture) qui n'est pas dans les clous européens. Bruxelles attend que Paris annonce de nouvelles mesures d'ici l'été.

L'exécutif bruxellois réclame par ailleurs un programme de réformes structurelles "ambitieux et plus détaillé en avril", qui sera évalué en mai.

"S'il advenait que le plan national de réformes (...) n'était pas crédible, nous pourrions activer le dernier cran" en imposant au pays "un plan de réformes correctif", a mis en garde M. Moscovici. L'enjeu est "d'encourager à des réformes plus profondes et rapides", a-t-il insisté, évoquant notamment des "décisions sur le marché du travail".

"Si elle échappe dans l'immédiat à toute sanction, la France doit à la fois "intensifier ses efforts en matière budgétaire et sur le plan des réformes structurelles", a résumé M. Dombrovskis.

En réponse, le Premier ministre français Manuel Valls a assuré que Paris "est en train de se bouger". "L'objectif que je poursuis est bien de réformer le pays, non pas parce que les autorités européennes nous y obligeraient" mais "parce qu'il en va de l'avenir du pays", a-t-il déclaré.

Ces décisions devaient être annoncées lundi, une date fixée pour ne pas interférer avec les délicates négociations menées avec la Grèce pour la maintenir sous perfusion financière et l'obliger à réformer.

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