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Bygmalion: les juges confrontent cinq mis en examen et leurs versions divergentes

Cinq figures de l'affaire Bygmalion se sont retrouvées chez les juges d'instruction vendredi pour une confrontation, la plus importante depuis le début de cette enquête sur des fausses factures durant la présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012.

Parmi les cinq mis en examen arrivés au pôle financier dans la matinée, Franck Attal, le patron d'Event and Cie, filiale de Bygmalion et société prestataire des meetings, et Jérôme Lavrilleux, l'ancien cadre de l'UMP, qui avaient révélé ce système frauduleux au printemps 2014.

A son arrivée, ce dernier s'est dit "prêt à répondre à toutes les questions" et avoir "tout ce qu'il faut", en montrant aux journalistes présents une valise noire qu'il tirait.

Présents aussi, le directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy, Guillaume Lambert, l'ancien directeur général de l'UMP, Eric Cesari et l'ancienne directrice des ressources du parti, Fabienne Liadze, qui nient avoir participé à une fraude.

Plus d'un an et demi après le scandale, les policiers et les magistrats, qui disposent de nombreuses pièces comptables, ont la conviction que des fausses factures ont permis d'imputer à l'UMP environ 18,5 millions d'euros de dépenses de meetings qui auraient dû figurer dans le budget de campagne du candidat.

But de cette "ventilation", dissimuler une explosion du plafond légal des dépenses (22,5 M EUR). Ex-cadres de Bygmalion, de la campagne, de l'UMP et experts-comptables: treize personnes sont mises en examen dans l'enquête ouverte pour faux, abus de confiance et financement illégal de campagne électorale.

Cette thèse de la ventilation a été qualifiée de "farce" par Nicolas Sarkozy, qui n'est pas mis en examen, lors de son audition début septembre par la police. Pour lui, le système de fausses factures a existé, mais à d'autres fins, entre l'UMP alors dirigée par Jean-François Copé et Bygmalion, la société de ses proches.

- "Evacuer le parapheur" -

Les enquêteurs ont un scenario, celui d'une course à la réélection qui dérape sur le nombre de meetings et finit par coûter beaucoup trop cher. Mais ils se heurtent à un mur de dénégations ou aux trous de mémoire des mis en examen.

Selon Franck Attal, c'est Jérôme Lavrilleux qui lui a annoncé, à l'UMP, qu'il fallait en passer par des fausses factures, entre mi-mars et fin mars 2012, en pleine campagne. Version confortée par deux autres cadres de Bygmalion, mais que Jérôme Lavrilleux conteste. Cet ancien pilier du clan Copé affirme n'avoir été mis au courant de la fraude qu'après le second tour.

Certains lui prêtent pourtant un rôle clé, comme Fabienne Liadze, à qui il aurait dit "c'est OK" pour les factures qui devaient s'avérer fausses. Ou Guillaume Lambert, selon qui il avait pesé pour imposer et maintenir dans la campagne Bygmalion, malgré des protestations sur les coûts des meetings.

Le directeur de la campagne affirme être revenu à la charge pour demander à Event de baisser ses tarifs. Mais ses réponses sur la baisse vertigineuse et suspecte des coûts officiellement déclarés par rapport à ceux annoncés au départ pour les premiers meetings n'ont pas convaincu les juges.

Dans son audition, Jérôme Lavrilleux laisse entendre que Guillaume Lambert a laissé filer le nombre de meetings sans tirer la sonnette d'alarme, pressé par Nicolas Sarkozy qui voulait plus d'événements. Et ce en dépit d'une note des experts-comptables le 7 mars s'inquiétant d'un dépassement du plafond.

Mais devant les juges, Guillaume Lambert a affirmé son "sentiment (...) d'avoir été totalement dupé et abusé par une organisation au sein de l'UMP".

Fin juillet, une expertise a été demandée sur les prix réels d'Event, afin de les comparer à ceux du marché.

Quant à Eric Cesari, surnommé "l’œil de Sarkozy" à l'UMP, sa signature apparaît sur les devis des conventions fantômes ayant servi à justifier les fausses factures. Mais s'il a signé ces documents, c'est par un "acte d'automatisme", pour "évacuer le parapheur", a-t-il affirmé au juge, selon une source proche du dossier.

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