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Charte de la laïcité: la faire signer par les parents, une bonne idée?

Faut-il faire signer aux parents la charte de la laïcité à l'école? "Autoritarisme" contraire au but recherché, disent les détracteurs de cette initiative, quand l'Éducation nationale met en avant sa volonté de "dialogue".

Ce document en quinze points, selon lequel "la Nation confie à l'école la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République", est affiché depuis 2013 dans les écoles, collèges et lycées publics.

Nouveauté cette année, quelques mois après les attentats de janvier qui ont incité le gouvernement à lancer une "mobilisation de l'école pour la République": le ministère de l’Éducation nationale a souhaité que cette charte, "annexée au règlement intérieur", soit "dorénavant signée par les parents pour qu'ils en prennent connaissance" et "présentée à l'occasion des réunions de rentrée".

"Si d'aventure il y avait des parents contestataires, que se passerait-il? Eh bien précisément, c'est l'occasion de créer un dialogue avec ces parents", a plaidé sur BFMTV la ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui y a vu le moyen pour un établissement d'être "alerté" sur des "difficultés" avec "telle ou telle famille".

"Étrange exigence", estime la Fédération nationale de la libre pensée, peu suspecte de nourrir des sentiments antilaïques.

"La laïcité, c'est la liberté de conscience, pas la soumission à un ordre établi ni à des chartes", explique-t-elle dans un communiqué, jugeant que "cette mesure – pour autant qu'elle soit applicable – a des bases légales incertaines et une portée mystérieuse" et qu'elle "peut être un élément de perturbation".

"En faisant de cette charte un texte auquel il faudrait adhérer, on transforme la laïcité en religion civile", abonde l'historien et sociologue Jean Baubérot, qui préfère pouvoir "débattre" du texte. "C'est de l'autoritarisme, ce n'est pas une démarche laïque que d'imposer la signature de cette charte", ajoute le spécialiste qui regrette, sur ce dossier, la "rigidité de l'institution scolaire".

Le chercheur redoute que l'initiative "crée des conflits inutiles", alors que le débat sur la laïcité et la place dans la sphère publique des religions, notamment de l'islam, est déjà très tendu.

- Risque de 'stigmatisation' -

Les représentants des enseignants, eux, sont partagés.

"Que la charte soit affichée, qu'elle soit comprise par les enfants, très bien. Mais nous avons peur que si des parents ne veulent pas la signer, on soit encore dans la stigmatisation" des familles musulmanes, confie Claudie Paillette, secrétaire nationale du Sgen-CFDT, un syndicat du secondaire.

Bernadette Groison, secrétaire générale de la fédération de syndicats de la fonction publique FSU, n'a pas ces craintes. "C'est conçu comme une démarche de dialogue, une discussion entre les milieux scolaire et familial", note-t-elle, "pas choquée" par l'idée de soumettre un tel document à l'approbation parentale.

"Sauf à vouloir être volontairement polémique", le secrétaire-général adjoint du syndicat de personnels de direction SNPDEN-Unsa, Michel Richard, ne voit pas comment une telle charte pourrait "générer des difficultés". Dans son établissement, le collège Rameau à Versailles, la charte va être remise aux élèves par les professeurs d'histoire, expliquée et collée dans les carnets de correspondance.

"Il faut faire confiance aux chefs d'établissement et à leurs équipes pour nouer le dialogue avec les parents et leur expliquer le sens de cette démarche", assure le principal, d'autant que ce texte "rappelle des évidences" (sur l'interdiction des signes religieux ostentatoires, la stricte neutralité des personnels, la liberté d'expression des élèves...).

La responsable de la Peep, deuxième fédération de parents d'élèves, tempère pour sa part la portée d'une telle initiative: "La signature dira que le parent a vu, qu'il a pris connaissance de la charte: il ne faut pas y mettre plus de signification que cela."

"Le vrai débat, selon moi, est de savoir comment les établissements scolaires vont faire vivre la laïcité, quelles actions peuvent être mises en place pour que ça ait du sens. Voilà le défi", conclut Valérie Marty.

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