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Chine: le budget de l'armée, maigre consolation pour les militaires

Secouée de la base au sommet par une violente campagne anticorruption, l'armée chinoise, pilier du régime, voit en outre la croissance de son budget ralentir en 2015, malgré les querelles territoriales avec ses voisins dans lesquelles elle exhibe ses forces en première ligne.

Avec l'équivalent de 127 milliards d'euros, les dépenses militaires de la plus grande armée du monde restent au deuxième rang international, loin derrière les Etats-Unis, mais elles ne croîtront cette année que de 10,1%, contre 12,2% en 2014.

Soit leur plus faible progression depuis cinq ans, selon l'annonce officielle faite jeudi à l'ouverture des travaux annuels du Parlement chinois.

Nombre d'analystes, à commencer par ceux du Pentagone, jugent ces chiffres largement sous-estimés, tandis que Tokyo, à qui Pékin dispute la souveraineté d'un petit archipel en mer de Chine orientale, a appelé jeudi l'armée chinoise à "plus de transparence".

Quel que soit son impact, ce ralentissement est une mauvaise nouvelle de plus pour l'Armée populaire de libération (APL), en proie depuis l'an dernier à une véritable purge pour cause de prévarication généralisée.

Traditionnellement courtisée par les dirigeants du Parti communiste (PCC) à leur arrivée au pouvoir, l'APL n'en a pas moins été touchée de plein fouet par la campagne anticorruption lancée par le président Xi Jinping après son accession aux plus hautes fonctions en 2012.

Pas moins d'une douzaine de généraux sont inculpés ou en voie de l'être, après la découverte d'un système de corruption généralisé --avec achat des grades à tous les niveaux-- et la chute spectaculaire l'an dernier du général Xu Caihou, ex-vice président de la puissante Commission militaire centrale du PCC. Une première dans l'histoire politico-militaire de l'APL.

Devant le Parlement, le Premier ministre chinois Li Keqiang a rappelé jeudi le caractère "absolu" de la direction des forces armées par le Parti communiste, lui-même en proie à une sévère campagne d'épuration pour des faits de corruption.

Pour autant, estime Richard Bitzinger, spécialiste des questions militaires à la Nanyang Technological University de Singapour, l'APL n'est pas mise au régime: "C'est peut-être la plus faible augmentation depuis cinq ans, mais ça reste tout à fait en ligne avec les augmentations des vingt dernières années", qu'il évalue entre 12 et 13% en moyenne.

"Je ne vois aucun ralentissement à venir pour au moins 10 ans", a-t-il commenté pour l'AFP.

Depuis une quinzaine d'années, le budget militaire chinois connaît une croissance à deux chiffres, sauf en 2010 où il était descendu à 7%.

Le Premier ministre a souligné jeudi que "bâtir une défense nationale solide et des forces armées puissantes est fondamental pour la sauvegarde de la souveraineté chinoise", prévenant que Pékin protégerait "résolument ses intérêts et ses droits maritimes" et continuerait à oeuvrer à "faire de la Chine une puissance maritime".

Le premier porte-avions chinois, le Liaoning, est entré en service en septembre 2012 et un autre serait en chantier.

Une porte-parole du Parlement, Mme Fu Ying, a déclaré mercredi à la presse à propos du budget de la Défense qu'en matière militaire, "ceux qui restent à la traîne se feront bousculer".

- Un 'rattrapage' après les 'humiliations' -

La délimitation des frontières maritimes chinoises est à l'origine de tensions chroniques entre Pékin et ses voisins, Japon et Vietnam en tête, qui ont fait craindre à plusieurs reprises dernièrement des incidents armés.

Pékin invoque un "rattrapage" après les "humiliations" infligées par les puissances occidentales et le Japon, au XIXe et XXe siècles.

Pékin va organiser en septembre son premier grand défilé militaire depuis 2009 pour célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale, destiné notamment à "impressionner le Japon", selon un commentateur officiel.

L'appel à la "transparence" de Tokyo s'est attiré une réplique cinglante via l'agence Chine nouvelle, qui a jugé "déplacé" le commentaire du Japon, un "fauteur de troubles".

Pékin invoque pour sa part un "développement pacifique", une terminologie jugée moins agressive que l'expression de "montée pacifique" employée précédemment, relève Richard Bitzinger.

"Mais c'est d'armée qu'il s'agit, et les militaires n'ont pas grand chose à voir avec la paix, mais tout avec la guerre", a-t-il commenté.

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