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Tous les regards se tournent vers Andreas Lubitz: "L'ennemi était dans la tête de celui que tout le monde pouvait admirer"

Le geste irrationnel du jeune copilote qui a volontairement provoqué la chute de l'A320 de la compagnie Germanwings, faisant 150 morts, plonge vendredi la presse française dans la perplexité et la réflexion.

"Crash de l'A320 : le geste fou d'Andreas Lubitz", titre Le Figaro, tout comme le gratuit Metronews, alors que Libération se penche sur "les mystères d'Andreas Lubitz". Ces trois quotidiens publient en ‘Une’ la photo du copilote, posant devant le célèbre pont, le Golden Gate à San Francisco, tandis que ‘20 Minutes’ remarque que le copilote était "hors de contrôle". "Crash des Alpes. Le copilote voulait en finir", affirme Le Parisien/Aujourd'hui en France.


Les examens d'entrée pointés du doigt

Dans Libération, Alexandra Schwartzbrod tire "deux enseignements" de cette catastrophe dont le plus important reste le facteur humain. "Quels que soient les progrès de la technologie, l'homme peut encore l'emporter sur la machine", écrit-elle, même si "cette prééminence de l'homme sur la machine est à la fois rassurante et effrayante. Le monde entier apprend aujourd'hui qu'une fois diplômés, les pilotes ne subissent plus de tests psychologiques, seulement des examens destinés à tester leurs aptitudes techniques. Il y a là, pour le coup, un champ à investir très vite."


Dans la tête d'Andreas Lubitz

"La folie peut prendre l'aspect de la lucidité et du sang-froid pour accomplir, jusqu'à son terme, l'irréparable", observe Jean Levallois dans La Presse de la Manche. "L'ennemi était dans la tête de celui que tout le monde pouvait admirer", constate Didier Rose des Dernières Nouvelles d'Alsace. "Un seul mouvement de folie, déterminé, avisé, parvient en quelques minutes à pulvériser les bases de notre humanité", poursuit-il. Pour Denis Daumin (La Nouvelle République du Centre Ouest), "les arcanes du cerveau humain ne se checkent pas comme un plan de vol", alors que selon Philippe Waucampt (Le Républicain Lorrain), dans le transport aérien "hautement improbable, la folie humaine y est autant à redouter que la faille technique elle-même invraisemblable". "Il y a là une loi qui nous échappe, à laquelle toutes les enquêtes et les procédures les plus sophistiquées ne pourront jamais répondre", estime pour sa part, Jean-Louis Hervois de la Charente Libre.



Dans le reste de la presse française, voici ce que disent les éditorialistes

L'Est Républicain (Alain Dusart)

Seul face au néant de sa conscience que l'on découvrira peut-être demain atomisée pour d'obscures raisons, Andreas Lubitz enclenche la descente sur le " flight monitoring system ". Simple routine pour un équipage classique. Un petit geste de la main. Diabolique ici. Le commandant tambourine à la porte. En vain. Le compte à rebours est enclenché. Seul Andreas Lubitz aux prises avec son aliénation et ses démons, sait que cette mécanique mortifère se fracassera sur une montagne dans huit minutes. C'est à la fois court, et une éternité. Les messages radios des contrôleurs crépitent dans le vide, les alarmes carillonnent. La boîte noire restitue juste sa respiration. Lubitz est figé dans un silence dément. Un silence de mort !


La République des Pyrénées (Jean-Marcel Bouguereau)

Avant d'en savoir plus, faut-il, comme on ne cesse de le faire depuis le crash, s'interroger sur de nouvelles mesures de sécurité ? A part d'obliger à ce qu'il y ait deux personnes en permanence dans le cockpit (ce qu'ont déjà décidé certaines compagnies), il est clair, que quelles que soient les mesures de sécurité prises et la rigueur des procédures, rien ne peut empêcher un tel acte isolé. A moins que, sous prétexte de toujours plus de sécurité, on préfère les avions sans pilotes. Pour ma part, je préfèrerai toujours les erreurs, fautes ou folies humaines qu'un monde déshumanisé. La presse a d'ailleurs comptabilisé trois tentatives similaires de suicide présumé en avion.


Le Journal de la Haute-Marne (Christophe Bonnefoy)

A l'inverse, cet incompréhensible silence qui fait pencher les enquêteurs vers la thèse du suicide et cet acte semble-t-il délibéré du copilote n'apporteront qu'un peu plus de douleur aux proches, si cela était encore possible. On peut, à la rigueur, se raccrocher à une panne, à une mauvaise manoeuvre, pour savoir. Pour comprendre. Ici, rien, sinon ce film retracé par le procureur et, dans un coin de nos têtes, les images plus vraies que nature de cette porte désespérément close et d'un copilote hermétique aux suppliques de son commandant. Dans son scénario, la journée d'hier avait quelque chose d'irréel. Et dans un tel drame, tout ce qui est irrationnel est encore plus douloureux.


La Charente Libre (Jean-Louis Hervois)

La question du pourquoi reste sans réponse. En aura-t-elle une un jour ? Quelle boîte noire peut décrypter les huit minutes de silence d'un homme seul dans le cockpit conduisant à une mort certaine les femmes et les enfants qui l'ont regardé, confiants, en montant dans l'A320 ? Quelle mécanique psychique aurait poussé au crime le plus absurde et le plus ignoble, l'étudiant rieur qui pose devant le Golden Gate de San Francisco sur son profil Facebook ? Il y a là une loi qui nous échappe, à laquelle toutes les enquêtes et les procédures les plus sophistiquées ne pourront jamais répondre.


Le Républicain Lorrain (Philippe Waucampt)

En dépit des garanties d'excellence offertes par une filiale de la Lufthansa, une telle folie a pu quand même survenir. L'aérien a beau être considéré comme le moyen de transport le plus sécurisé de tous, le doute est désormais dans les esprits : hautement improbable, la folie humaine y est autant à redouter que la faille technique, elle-même invraisemblable en raison de la multiplicité des procédures de contrôle. Et pourtant... Ceci étant, bien que ce soit techniquement possible, qui accepterait de monter dans un avion sans pilote comme on le fait déjà dans une rame de métro sans conducteur ? Rien ne remplace en effet la capacité d'adaptation de l'humain dont les limites viennent cependant de nous être administrées de bien tragique manière.


La Nouvelle République (Denis Daumin)

Des mobiles de ce cap au pire, droit sur les rochers, gaz en pleine poussée, on ne saura jamais tout. Et comment y parer ? Les arcanes du cerveau humain ne se checkent pas comme un plan de vol et les visites de contrôle imposées par les textes n'avaient pas empêché quatre autres pilotes suicidaires, auparavant, de mettre à exécution leurs projets. De cette effrayante tragédie, on retiendra que l'excès de précautions et l'empilement des procédures ont paradoxalement nuit à la sécurité. On envisage désormais le rétablissement du double pilotage afin d'éviter le décrochage en piqué d'un navigant partant soudain en vrille.



Sud Ouest (Christophe Lucet)

C'est au nom de la sécurité qu'après le 11 Septembre furent édictées les normes imposant le double verrouillage des portes de cockpit pour empêcher l'irruption d'un pirate de l'air. Or voilà que la sécurité se retourne contre elle-même en empêchant le commandant et l'équipage de reprendre le contrôle de l'appareil. À moins de s'en remettre à l'avenir à des machines à voler comme il y a des métros sans conducteur et demain des voitures sans pilote, il faut admettre qu'aucune mesure de sécurité (...) n'empêchera un humain de déclencher une catastrophe. Certes, des actes volontaires - sans doute suicidaires - comme celui-ci se comptent sur les doigts d'une main dans l'histoire de l'aviation civile. Mais leur écho écrase les bilans statistiques pourtant rassurants de l'accidentologie aérienne.

Dernières Nouvelles d'Alsace (Didier Rose)

L'ennemi était dans la tête de celui que tout le monde pouvait admirer. À ce niveau d'anéantissement, on ne peut, on ne doit parler d'abord de suicide. Mais de meurtre collectif, l'un des plus marquants de notre histoire civile. (...) Des actes de destruction délibérée ont déjà eu lieu. Pas sous cette forme précise, ni avec un tel retentissement. Il y a vraiment de quoi frémir. Cette tragédie montre qu'on peut imaginer toutes les précautions, consignes ou procédures de vol. Un seul mouvement de folie, déterminé, avisé, parvient en quelques minutes à pulvériser les bases de notre humanité.


La Voix du Nord (Hervé Favre)

Qui était ce copilote, pourquoi a-t-il interrompu six mois sa formation, quelle pouvait être sa motivation, suicidaire ou terroriste ? Et dans un cas comme dans l'autre, comment a-t-il pu arriver jusqu'au cockpit d'une compagnie filiale de la Lufthansa dont le PDG se flattait hier d'avoir " les meilleurs pilotes du monde " ? Pour les familles, l'épreuve est encore plus cruelle. Leurs êtres chers ne sont pas morts à cause d'une défaillance technique mais manifestement par la volonté monstrueuse d'un seul homme. Suicide ? Terrorisme ? Ces familles ont droit à la vérité très vite, cette vérité que les familles des victimes du vol 370 Malaysia attendent depuis plus d'un an...


Le Courrier Picard (Daniel Muraz)

Tout semblait envisageable, sauf cela. Même l'idée d'un attentat terroriste (forcément présente dans les esprits au vu du climat actuel) pouvait paraître plus " acceptable ". Car, quelque part, plus compréhensible dans son atrocité même. Mais hier, ce glissement vers l'irrationnel est venu amplifier le sentiment de psychose frénétique enclenchée depuis trois jours. (...) Mais le sang-froid collectif devrait l'emporter face à la folie individuelle (présumée). Faute de quoi, c'est tout le monde qui devient victime d'un pilote de 28 ans prétendûment dépressif.

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