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De nombreux malades français songent à abréger leurs souffrances en Belgique

Comme la romancière Anne Bert, qui en a fait le thème central de son dernier livre, de nombreux Français atteints d'une maladie incurable, peut-être plusieurs centaines chaque année, songent à se faire euthanasier en Belgique, où ce geste médical a été légalisé en 2002.

"La problématique n'est pas neuve, mais depuis quelques années, on peut observer une sorte de dynamique", dit à l'AFP le Pr Dominique Lossignol, à la tête d'un des cinq centres de consultation "médico-éthique" du pays.

Chaque vendredi ce médecin bruxellois, spécialisé dans le traitement de la douleur, reçoit quatre candidats à l'euthanasie qu'il prend le temps d'écouter et de conseiller.

Et parmi eux "je peux estimer qu'un à deux patients sont des Français", explique-t-il, soit une moyenne annuelle oscillant entre 50 et 100 pour ce point d'accueil seul.

Combien iront au bout de la démarche ? Il n'existe aucune statistique fiable pour le mesurer.

Car les médecins belges ne sont pas tenus d'indiquer l'identité ni la nationalité de leur patient en déclarant l'"acte posé" à la commission fédérale qui les contrôle a posteriori. Cette commission dit avoir enregistré 2.028 actes d'euthanasie en 2016, un chiffre en hausse constante.

"Ce qu'on retrouve en Belgique ce sont des patients français, quelquefois des Allemands (eux plutôt en Flandre, dans le nord néerlandophone du pays, ndlr), les Anglais ont plutôt tendance à aller en Suisse", affirme l'avocate Jacqueline Herremans, qui préside l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

Ces deux spécialistes de l'euthanasie, le médecin et la juriste, ont chacun leur lot d'histoires dramatiques à raconter, de Français qu'ils ont guidés ou accompagnés jusqu'à leur ultime souffle.

L'histoire de cette femme du sud de la France qui a demandé il y a six mois qu'on puisse abréger les souffrances liées à sa sclérose en plaques. Et mourra dans quelques semaines à moins de 40 ans.

Ou le cas de cette autre femme atteinte d'un cancer du sein avec métastases pulmonaires, qui savait qu'elle allait mourir étouffée et le redoutait plus que tout.

"En France on lui avait répondu: +Mais Madame on ne meurt pas par étouffement+, (...), si on ne lui avait pas dit ça, elle ne serait pas venue en Belgique", témoigne le Pr Lossignol.

- Exprimer une demande "répétée" -

Le médecin bruxellois estime qu'en France "le discours ambiant est extrêmement frustrant pour les patients et parfois même culpabilisant".

"On reproche aux malades, parce qu'ils souhaitent une aide médicale pour mourir, de manquer de courage, de ne pas vouloir se battre, ce qui est une ineptie quand on voit la situation dans laquelle ces gens se trouvent", poursuit-il.

Dans son livre "Le tout dernier été" (Fayard), qui paraîtra le 4 octobre après sa mort dans un hôpital belge, Anne Bert fustige les "conservateurs qui affirment que la vie doit être vécue jusqu'au bout de l'enfer".

La romancière souffre d'une maladie dégénérative incurable pour laquelle aucun traitement curatif n'existe.

La loi française autorise depuis 2016 la "sédation profonde et continue" jusqu'au décès, une administration de substances anti-douleur qui s'apparente à un droit à être endormi sans être réveillé.

Mais elle s'applique uniquement aux malades déjà en phase terminale et n'autorise pas l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration d'un produit provoquant directement la mort.

En Belgique, phase terminale ou pas, l'euthanasie est autorisée pour une pathologie "grave ou incurable" entraînant une souffrance physique ou psychique "constante, insupportable et inapaisable", dès lors que le patient en a fait la demande "répétée".

L'acte médical a été dépénalisé pour les personnes majeures en vertu d'une loi de 2002. La possibilité d'y recourir, de manière très encadrée, a ensuite été étendue aux mineurs en 2014.

La condition supplémentaire exigée d'un ressortissant étranger est qu'il ait fait l'objet d'un suivi médical en Belgique un certain temps auparavant, ce qui peut impliquer - pour les plus éloignés - de devenir résident dans le royaume.

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