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Derrière la négociation sur l'assurance chômage, l'enjeu du paritarisme

Derrière la délicate négociation sur l'assurance chômage, se profile un autre enjeu, celui de l'avenir du paritarisme, une singularité toute française régulièrement remise en cause à droite mais aussi par le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron.

"Si on arrive à un accord sur l'assurance chômage, le paritarisme en sortira grandi", reconnait Philippe Louis, président de la CFTC, à quelques jours de la reprise des discussions.

Agirc-Arrco (retraites complémentaires), Action logement, Unédic (assurance chômage), justice prud'homale, Apec : ces structures sont gérées en commun par les organisations patronales et syndicales, soit en "paritarisme", un terme popularisé dans les années 1960 par André Bergeron, le secrétaire général de Force ouvrière.

Le plus vieux système paritaire est né en 1806, avec les conseils prud'homaux.

Le "paritarisme" gère un quart de la protection sociale en France, soit 150 milliards d'euros, une ampleur sans équivalent dans le monde, selon un rapport parlementaire.

Ses détracteurs, principalement politiques de droite et instituts réputés libéraux, pointent son "opacité" de gestion, l'"ingérence" de l'Etat ou la faible représentativité des organisations patronales et syndicales.

Dans une étude publiée le 2 mars, l'institut libéral Montaigne juge le paritarisme à "bout de souffle". Thibault Lanxade, vice-président du Medef, parle, lui, d'un système "en bout de course" dans un ouvrage publié à l'automne. Pour l'ancien président Nicolas Sarkozy, paritarisme rime avec "immobilisme" car "plus on dialogue, moins on fait".

Entre reprise en main par l'Etat ou privatisation, les avis divergent sur les "solutions".

Emmanuel Macron propose d'étatiser la gouvernance de l'Unédic et de la formation professionnelle, à l'image de ce qui s'est passé avec l'assurance maladie au milieu des années 1990, lors de la réforme Juppé si décriée.

"Il n'y a rien de pire, tranche le candidat d'En marche!, qu'un système où celui qui décide n'est pas celui qui paie". Pour lui, les syndicats "ne doivent pas se substituer aux détenteurs de l'intérêt général".

- "Réformer en profondeur" -

Syndicats et patronat jugent, eux, qu'ils sont les "mieux placés" pour comprendre les besoins des salariés et de l'entreprise.

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, qui appelle à "un vrai retour" du paritarisme pour la gestion de l'assurance maladie, n'est "pas persuadé" que l'État "gère mieux" l'Unédic.

"Si les lacunes du paritarisme sont réelles et les négociations parfois infructueuses, syndicats et patronat doivent continuer de régler ensemble les questions économiques et sociales importantes", écrit M. Lanxade.

Or, ces dernières années, les partenaires sociaux ont prêté le flanc à la critique en échouant à s'entendre sur des dossiers majeurs.

En 2015, après quatre mois de négociations tendues, ils n'ont pas pu se mettre d'accord sur une réforme du dialogue social. Le gouvernement a repris la main, donnant naissance à la loi Rebsamen.

En 2016, c'est autour du compte personnel d'activité que les deux parties n'arriveront pas à s'entendre, laissant encore une fois le gouvernement piloter.

Dernier blocage: l'échec en juin 2016 des négociations sur l'assurance chômage.

Ces couacs, "forcément, exposent le paritarisme", souligne Stéphane Sirot, historien, spécialiste du dialogue social.

"Ce qui se joue aujourd'hui avec l'assurance chômage est déterminant, car cela arrive avant une échéance présidentielle. Le prochain gouvernement pourrait se saisir d'un éventuel blocage pour réformer en profondeur et mettre à mal le système paritaire", selon lui.

Pas question pour autant de signer un accord à tout prix, préviennent les syndicats. "Le paritarisme, ce n'est pas brader le droit des salariés sous prétexte de maintenir un système paritaire", prévient Denis Gravouil, négociateur de la CGT pour l'assurance chômage.

Conscientes des lacunes, certaines organisations syndicales s'interrogent sur une éventuelle réforme de "la méthode" de négociation. Actuellement, la tradition veut que les textes discutés (Unédic, Agirc-Arrco, nouvelles réformes ...) soient proposés par le patronat, qui héberge également les réunions (au siège du Medef) et les préside.

L'idée serait de transférer ces réunions dans un lieu neutre mais aussi de préparer en commun le projet d'accord à négocier.

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