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Deux après, la réforme pénale de Taubira peine à s'imposer

Deux ans après la promulgation de la loi, le ministère de la Justice présente vendredi un rapport sur la réforme pénale de Christiane Taubira insistant sur "l'humanisation de la justice pénale" de ces mesures qui peinent à s'imposer

La loi du 15 août 2014 "relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales" prévoyait la remise d'un rapport d'évaluation de ses mesures par le gouvernement au Parlement dans les deux ans.

L'élément central de la réforme est la contrainte pénale, une nouvelle peine en milieu ouvert (hors prison) comportant des obligations et interdictions qui doit permettre un meilleur suivi et une préparation renforcée du condamné à sa réinsertion.

La loi entend également lutter contre la récidive en évitant les sorties sèches des détenus, c'est-à-dire sans mesures d'accompagnement, avec un examen de la situation des détenus au deux-tiers de la peine et une libération sous contrainte, réservée aux peines inférieures ou égales à cinq ans d'emprisonnement.

"Les esprits chagrins ne retiendront que le faible nombre de mesures prononcées, les zélotes se focaliseront sur les premiers succès repérés", prédit dans ce rapport le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas. Lui insiste sur "les changements profonds induits dans les pratiques professionnelles par la création innovante dans le droit pénal d'une peine de probation et de possibilités multiformes d'aménagement de peine".

Deux ans après son entrée en vigueur, 2.287 contraintes pénales ont été prononcées par les juridiction, ce nombre ayant progressé de 32% sur les 9 premiers mois de 2016 par rapport à la même période en 2015. L'étude d'impact en 2013 de la future loi avait estimé qu'entre 8.000 et 20.000 mesures seraient prononcées chaque année, on en est loin.

"Il n’y a que 15 % des contraintes pénales qui se terminent par une incarcération (...) Cela valide l’hypothèse que cette mesure fonctionne", se félicite M. Urvoas dans un entretien à La Croix vendredi.

La contrainte pénale a été ordonnée dans 35% des cas pour des infractions routières, dans 32 pour des atteintes aux personnes, dans 20% pour des atteintes aux biens et dans 7% pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. La durée la plus fréquemment prononcée est de deux ans (50%) et trois ans (20%).

- 'L'honneur de la justice' -

"La mise en oeuvre de la libération sous contrainte a, elle, exigé, plus encore que la contrainte pénale", une grande mobilisation des acteurs judiciaires et pénitentiaires", constate le rapport.

Les commissions de l'application des peines ont en effet dû examiner en 2015 les situations de l'ensemble des personnes condamnées ayant déjà exécuté les deux tiers de leur peine.

Entre janvier 2015 et septembre 2016, 6.492 libérations sous contrainte ont été accordées, soit une moyenne de 309 mesures par mois. Une baisse mensuelle a été constatée en 2016. S'agissant des mesures prononcées, le placement sous surveillance électronique arrive en tête (43%) devant la semi-liberté (23%) et la libération conditionnelle (24%).

"Tant la contrainte pénale que la libération sous contrainte sont des mesures susceptibles de réduire significativement la surpopulation carcérale", souligne le ministre de la Justice qui a récemment annoncé un plan de construction de nouvelles prisons pour lutter contre la surpopulation chronique des établissements français.

"Ces dispositions participent en fait d'une volonté d'apaisement social et viennent s'inscrire dans un processus renforcé d'individualisation des situations pénales et d'humanisation de la justice pénale", constate Jean-Jacques Urvoas pour qui cette "approche qualitative, plutôt que quantitative (...) est à l'honneur de la justice".

Deux ans après le vote de la loi, "les professionnels consultés, dont certains avaient pu exprimer des réticences sur l'efficacité des nouvelles mesures, se disent désormais convaincus de leur utilité", assure le garde des Sceaux pour qui il faut laisser du temps aux magistrats, comme au conseillers d'insertion et de probation "de s'approprier ces nouvelles mesures".

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