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Enquête "inédite" sur les musulmans de France: qui sont-ils, que pensent-ils?

Qui sont les musulmans de France? Une majorité partage les valeurs laïques françaises mais plus d'un quart d'entre eux, surreprésentés chez les jeunes, ont une pratique rigoriste de l'islam incompatible avec la société française, selon un sondage publié dimanche.

Plus d'un quart des musulmans de France ont une pratique rigoriste de l'islam, "en marge de la société", alors que près de la moitié d'entre eux vivent leur religion en ayant intégré les valeurs laïques françaises, selon une enquête d'opinion publiée dimanche. Cette étude "inédite" de l'Ifop a été réalisée pour le compte de l'Institut Montaigne, "think tank" d'obédience libérale, alors que la vague d'attentats djihadistes depuis 2015 et l'approche de l'élection présidentielle enflamment les débats sur la place de l'islam en France.


71% rejettent le voile intégral et la polygamie

Pour mesurer la religiosité des musulmans de France, l'Ifop a établi des catégories en fonction des pratiques des personnes sondées, leur attachement au port du voile, à la viande halal et à la laïcité. Trois profils se dégagent, selon cette étude:

  • Une "majorité silencieuse" (46%) composée de musulmans "soit totalement sécularisés, soit en train d'achever leur intégration", très souvent pratiquants mais "sans conflit majeur avec les normes de la société française".

  • Un deuxième groupe, représentant 25%, est plus pieux et plus identitaire, tout en rejetant le voile intégral et la polygamie.

  • Le dernier groupe, que l'étude évalue à 28%, réunit des croyants qui ont "adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République", s'affirmant "en marge de la société". Ils sont surreprésentés parmi les jeunes (50% des musulmans moins de 25 ans). Les moins insérés dans l'emploi et les convertis sont aussi les plus disposés à adhérer à ce modèle.


Le port du voile: résultats étonnants


Le rapport, intitulé "Un islam français est possible", esquisse un portrait inédit des musulmans de France, parfois à rebours de certaines idées reçues, relevant par exemple que 26% des hommes rejettent le port du voile contre 18% des femmes. Quelque 65% des musulmans de confession ou de tradition sont favorables au port du voile (24% approuvent le port du voile intégral), et 37% jugent qu'il devrait pouvoir être porté au collège et au lycée, alors que la loi française interdit d'y arborer des signes religieux. Ces positions ne se reflètent pas forcément dans la pratique, puisque 65% des femmes interrogées disent ne pas porter le voile.


La mixité: pas de problème

Une écrasante majorité des musulmans interrogés -aux trois quarts de nationalité française- ne refusent pas la mixité, acceptant de se faire soigner par un médecin (92,5%) ou de serrer la main d'une personne (88%) du sexe opposé.


La viande halal: fort attachement

En matière de pratiques, le sondage montre l'attachement des musulmans français, religieux ou non, à la consommation de viande halal. 70% des personnes interrogées déclarent en effet "toujours" acheter de la viande halal.


La mosquée: peu fréquentée

La fréquentation des 2.500 mosquées est plus faible qu'on ne le pense souvent: 30% du millier de musulmans interrogés ne s'y rendent jamais, et 30 autres pourcents ne le font au mieux que lors des grandes célébrations du ramadan.


Leur nombre en France: moins important que prévu

Il avance aussi qu'en France, pays qui compte la plus importante communauté musulmane d'Europe, les musulmans comptent pour 5,6% des habitants de métropole (soit entre 3 et 4 millions), soit un pourcentage "moins important que ne l'avancent bon nombre de chiffres fantaisistes", souligne en avant-propos Hakim El Karoui, ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et ex-président de l'Institut des cultures d'islam. Mais ils sont 10% des moins de 25 ans, "signe de la prégnance croissante de la deuxième religion du pays auprès des jeunes générations".


La recommandation: la France doit investir dans un islam de France

En résumé, "la question sociale est la priorité des musulmans interrogés, bien avant les questions religieuses ou identitaires". Il n'y a pas de "communautarisme musulman unique et organisé". Une nouvelle organisation de l'islam, "financée par de l'argent français" et s'appuyant "sur des femmes et des hommes nouveaux", apparaît nécessaire, alors que le Conseil français du culte musulman (CFCM) n'est vu comme représentatif que par... 9% des interrogés. Sur la base du sondage, l'Institut Montaigne formule plusieurs recommandations, comme la nomination d'un "grand imam de France", la création d'un secrétariat d'Etat aux Affaires religieuses et à la Laïcité, ou encore un enseignement renforcé de l'arabe à l'école publique.


Clivage gauche/droite sur la question des statistiques

Réagissant à cette enquête, l'écologiste Cécile Duflot a souligné dimanche sur BFMTV qu'"une immense majorité des musulmans de ce pays vivent normalement", appelant à ne pas "agiter les peurs" avec ce type d'études statistiques, en l'absence d'un travail sociologique approfondi. "Il y a une sorte de dynamique en faveur de la radicalisation", a jugé François Fillon, candidat à la primaire de droite, au "Grand rendez-vous" Europe1/iTELE/Les Echos, militant en faveur de "statistiques pour pouvoir avoir les moyens de traiter un sujet qui est celui de l'islam radical".

Ce sondage a été conduit par téléphone entre le 13 avril et le 23 mai 2016 auprès de 1.029 personnes de confession ou de culture musulmane (dont 874 se déclarant musulmanes), extraites d'un échantillon de 15.459 métropolitains âgés de 15 ans et plus

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