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Fondation Hamon: la défense de Pasqua tacle une accusation "en miettes"

La défense de l'ancien ministre Charles Pasqua, rejugé à Versailles pour détournement de fonds publics, a fustigé vendredi des accusations "artificielles", au dernier jour du procès en appel de la fondation d'art Hamon, son dernier gros rendez-vous judiciaire.

"On a voulu inventer une histoire, mais vous n'avez pas les éléments" pour condamner Charles Pasqua, 88 ans, plaide son avocate, Me Jacqueline Laffont.

Combatif mais las, l'ex-premier flic de France, aujourd'hui retraité, était rejugé depuis lundi au côté d'André Santini, député-maire (UDI) d'Issy-les-Moulineaux, du mécène et promoteur Jean Hamon, et de quatre autres prévenus. Tous clament leur innocence.

Décrivant une instruction "emportée par un parti pris", "construite artificiellement", son avocate s'en prend au "postulat accusatoire" de l'avocat général qui a requis jeudi la confirmation de la peine prononcée en 2013: 2 ans de prison avec sursis, 150.000 euros d'amende et 2 ans d'inéligibilité.

Une peine "d'une extrême sévérité" mais, assèn l'avocate, "pas la moindre charge sérieuse".

Debout face aux juges une dernière fois, Charles Pasqua insiste: "Vous détenez mon honneur entre vos mains".

Au centre des débats, la donation en 2001 de 192 œuvres d'art contemporain par Jean Hamon au Syndicat mixte de l'Ile Saint-Germain, structure publique créée par Issy-les-Moulineaux et le conseil général des Hauts-de-Seine, alors présidé par M. Pasqua. Des œuvres d'une valeur estimée à 7,5 millions d'euros. En contrepartie, le Syndicat devait construire un musée et, dans l'intervalle, les stocker et les entretenir chez Jean Hamon en lui payant charges et loyer.

L'accusation reproche aux ex-ministres, qui présidaient le syndicat mixte, d'avoir, dans un "concert frauduleux", détourné de l'argent public au bénéfice de M. Hamon en validant des factures de loyers et charges gonflés ou indus émises par ses sociétés ou celles de ses proches.

Le musée n'a jamais vu le jour, coulé en 2004 par un recours d'associations écologistes. Mais le Syndicat mixte, partie civile, aurait au total perdu 900.000 euros.

Selon l'avocat général, qui a échoué à établir un mobile, les ex-ministres "ne pouvaient pas ne pas savoir" que les factures posaient problème.

- 'Odeur de soufre' -

"Tu parles. Ça veut dire +Je ne sais pas, moi, accusateur, juge d'instruction, vous démontrer l'infraction+!", s'emporte Me Grégoire Lafarge, conseil d'André Santini.

Une thèse "difficile à soutenir", acquiesce Me Laffont. Au point, tacle-t-elle, que l'accusation "est allée exhumer l'affaire Thinet", un volet de l'affaire Elf, où étaient cités les trois hommes, pour affirmer qu'ils se connaissaient de longue date. "Cela montre à quel point elle est fragile".

Elle insiste: "L'accusation ressort en miettes de ce procès". "Quand vous allez exhumer un mobile comme le crâne de Lucy, je me dis, monsieur l'avocat général, que votre détresse m'émeut!", tonne l'autre conseil de M. Santini, Me Jean-Yves Le Borgne.

"Pure construction intellectuelle", dit Me Philippe Guméry, avocat de Jean Hamon, qui rappelle que l'examen des comptes personnels et de campagne des ex-ministres n'a révélé aucun versement du mécène.

"Il y a une odeur de soufre qui fait que dès que leur nom apparaît quelque part, c'est forcément quelque chose de malhonnête", glisse Me Lafarge, dont le client, André Santini, risque gros en cas de condamnation.

Les soupçons de détournement de fonds? "Une infamie", résume Charles Pasqua, deux fois condamné définitivement, plusieurs fois blanchi. "J'espère que la vérité émergera".

Une fois l'affaire Hamon derrière lui, ne restera plus à M. Pasqua qu'à solder l'appel d'une condamnation à 5.000 euros d'amende. Avant de faire, sauf coup de théâtre, ses adieux aux tribunaux.

Fatigué, le vieil homme reconnaît une "capacité d'assimilation" amoindrie. "Vous ne pouvez pas vous tromper pour Charles Pasqua", conclut son avocate.

La cour rendra son arrêt le 23 septembre.

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