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Affaire Cahuzac: ses avocats bataillent devant le Conseil constitutionnel

Loin de la cohue du procès de février, c'est dans le cadre policé du Conseil constitutionnel que les avocats de Jérôme Cahuzac ont bataillé mardi.

Ils veulent mettre fin au cumul de poursuites fiscales et pénales contre l'ancien ministre.

Laurent Fabius, qui préside l'assemblée des "Sages" depuis mars, a indiqué que la décision sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) serait rendue le 24 juin.

Des réponses du Conseil dépendent les destins judiciaires de l'ancien ministre, mais aussi de Guy Wildenstein et d'autres héritiers de cette riche famille de marchands d'art, deux affaires distinctes jointes pour l'occasion.

Aucun prévenu n'était présent mardi.

Face aux neuf membres du Conseil, c'est donc la fine fleur des avocats d'affaires de Paris qui a mené l'assaut, avec la plus parfaite courtoisie.

Loin de la frénésie médiatique occasionnée par la comparution de M. Cahuzac au tribunal correctionnel en février dernier, mais parfaitement conscients de la charge politique de l'affaire, tous ont martelé que, quoiqu'il arrive, les procès reprendraient.

Ils avaient été suspendus, pour M. Cahuzac comme pour M. Wildenstein, le temps que les QPC fassent leur chemin.

"Quoi que vous décidiez Jérôme Cahuzac paraîtra devant un tribunal correctionnel", dès septembre, a dit Me Jean Veil, dont le client a, avec son compte caché, déclenché le plus retentissant scandale politique du quinquennat.

"Je sais que ce n'est pas le Conseil qui est impressionné, mais ce sujet est abordé par la presse et l'opinion publique", a-t-il dit

"On a caricaturé en disant: mais on est en train de sonner le glas des poursuites pénales! (...) On revient au trafic des indulgences!", c'est-à-dire à l'achat de l'impunité, a ironisé Me Emmanuel Piwnica. "Faux! La fraude fiscale est un délit qui mérite d'être poursuivi", s'est insurgé l'avocat.

- Brèche juridique -

Mais, et c'est tout l'enjeu, la fraude fiscale "simple" ne doit selon les avocats plus être réprimée à la fois par le fisc, via une majoration des redressements, et par la justice.

Les époux Cahuzac, tous deux poursuivis, ont déjà accepté un redressement fiscal majoré, de 2,3 millions d'euros.

Les héritiers Wildenstein, poursuivis pour une fraude beaucoup plus vaste, pimentée de rancoeurs familiales, se voient réclamer plus de 500 millions d'euros par le fisc. Le tout en plus d'éventuelles condamnations au pénal.

Soit une "double poursuite" contraire au principe constitutionnel de la "nécessité des peines", selon la défense, qui demande la censure de deux articles du Code général des impôts (CGI).

M. Cahuzac et les héritiers Wildenstein s'engouffrent dans une brèche juridique ouverte par le Conseil constitutionnel lui-même en mars 2015.

Il s'agissait alors d'une affaire boursière autour du groupe aéronautique EADS. Cette jurisprudence n'a jusqu'ici pas été testée dans le champ fiscal.

La décision du Conseil constitutionnel n'aura aucune incidence pour le délit plus grave de blanchiment reproché à M. Cahuzac et à certains prévenus de l'affaire Wildenstein, ni pour les poursuites contre l'ex-ministre en vertu des règles de transparence de la vie politique.

Me Éric Dezeuze, pour Guy Wildenstein, a assuré au Conseil qu'une éventuelle "déclaration d'inconstitutionnalité" n'aurait pas pour conséquence une "crue qui évacuerait toute une partie du contentieux pénal", en raison du très faible nombre d'affaires concernées.

"Avoir deux procédures qui cohabitent me paraît, au moins sur le plan budgétaire, totalement absurde", a par ailleurs dit Me Veil, qui défend justement un ancien ministre du Budget, provoquant quelques sourires entendus.

Le représentant du gouvernement Xavier Pottier a lui défendu les textes incriminés, soulignant en particulier le caractère "exemplaire" et public du procès, loin des négociations confidentielles entre fisc et contribuables.

Il a aussi rappelé qu'un juge pouvait prendre en compte d'éventuelles complicités et un état de récidive, là où le fisc n'applique qu'un traitement en quelque sorte automatisé, avec des majorations forfaitaires.

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