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Gouvernement: équilibre délicat pour Taubira, entre critiques et discipline

Fragilisée cette semaine à l'Assemblée nationale, la Garde des Sceaux Christiane Taubira continue son action au sein d'un gouvernement qu'elle critique régulièrement sans pour autant s'en désolidariser.

"Il faut arrêter ce feuilleton. Depuis le premier jour, on me dit partante. La seule ministre sur laquelle on fait des projections de départ, c'est moi", s'agaçait Christiane Taubira fin février lors d'une de ses rares apparitions télévisées.

Cette semaine, lors de l'examen du projet de loi renseignement à l'Assemblée nationale, un amendement qu'elle défendait, destiné à empêcher l'utilisation en milieu pénitentiaire des techniques de renseignements autorisées, a été rejeté par une alliance d'une vingtaine de députés socialistes avec la droite.

Un camouflet pour Christiane Taubira ? "C'était aussi un règlement de compte politique d'une partie de la majorité qui ne fait pas partie des frondeurs", commente son ex-collègue au gouvernement Aurélie Filippetti sur Public Sénat.

Lors du remaniement qui avait vu le départ de ses amis, Aurélie Filippetti, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, la question avait été posée d'un départ de Christiane Taubira qui n'a pas caché avoir des désaccords avec la politique gouvernementale.

En août 2014, aux université d'été du PS, elle s'affichait avec les socialistes "frondeurs" qu'elle reçoit toujours à son ministère. Membre d'aucun parti, elle est très appréciée des militants PS...mais pas seulement: elle a aussi passé son après-midi, la veille du second tour des départementales, à l'Assemblée générale des amis de l'Humanité, le journal communiste.

Dernièrement dans L'Obs, elle a accusé la gauche d'avoir "adopté les mots de la droite", ce qui constitue pour elle "une faute" parce que la gauche "a cru qu'elle devait constamment démontrer ses capacités gestionnaires. Elle a renoncé à l'idéal, aux utopies".

Une sortie qui lui a valu de devoir justifier son soutien au Premier ministre Manuel Valls le lendemain, à la sortie d'un séminaire gouvernemental. "La fonction politique contraint à composer", reconnaissait-elle encore fin février.

-'Capacité à avaler des couleuvres'-

"François Hollande a très envie qu'elle reste jusqu'en 2017. Au moment de la constitution du gouvernement Valls II, après la sortie de Montebourg et Hamon, il l'avait appelée lui-même", glisse-t-on de source ministérielle alors qu'on prête à la Garde des Sceaux l'intention de "d'entrer au Conseil constitutionnel" l'an prochain.

"Son intention à elle, c'est de rester. Si elle avait voulu partir, elle l'aurait fait depuis longtemps", ajoute cette source pour qui, l'interview dans L'Obs, dans laquelle il "n'y a rien d'attentatoire", illustre son "besoin de montrer qu'elle conserve sa liberté de parole et de ton. Elle a des convictions".

"C'est facile de retenir quelqu’un qui ne veut pas partir", grince un ministre pour qui "elle n’est pas si difficile que ça à gérer". "Elle a une capacité à avaler des couleuvres! Elle ne dit jamais rien en Conseil des ministres, ne fait jamais aucune remarque", raille-t-il.

"Elle a à cœur de laisser son empreinte, avec une grande loi sur la justice", selon une autre source ministérielle. "Elle a envie de rester ministre de la République, c’est tout", rétorque le ministre.

Christiane Taubira, cible privilégiée de la droite qui la taxe de "laxisme", est devenue une "icône" de la gauche pour avoir défendu avec ardeur la loi sur le mariage homosexuel en 2013.

Depuis, la Garde des Sceaux a perdu tous ses arbitrages sur la loi pénale. Et la réforme de la justice des mineurs, annoncée pour le début d'année, se fait attendre.

"Il y a un processus de consultations", une "maturation du projet", se défend-elle, promettant une loi "logiquement avant la fin de l'année".

Christiane Taubira "se dit qu'elle est beaucoup plus utile de l'intérieur que de l'extérieur et qu'elle est le dernier rempart pour défendre les libertés publiques", souligne un cadre du PS.

"Le président de la République sait qu'elle pèse et représente quelque chose", résume un conseiller ministériel.

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