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Harcèlement sexuel: peu de victimes portent plainte malgré l'arsenal juridique

Face au harcèlement sexuel, la ministre de la Justice a "incité" mardi les femmes à "porter plainte". Mais l'infraction est difficile à caractériser et les classements sans suite fréquents, alors qu'un arsenal juridique existe bel et bien.

Bruits de bouche obscènes, regards lubriques, gestes déplacés: des milliers de femmes ont raconté ces derniers jours dans leurs tweets, accompagnés du hashtag #balancetonporc, leurs expériences de harcèlement.

- Déposer plainte -

"J'incite les femmes qui évoquent sur internet des situations très concrètes à aller porter plainte", a déclaré la garde des Sceaux Nicole Belloubet

Une "invitation à agir" qui a fait "bondir" Johanne, une auditrice de France Inter, interpellant la ministre à l'antenne: "J'ai subi une exhibition sexuelle dans le cadre de mon travail (...). J'ai porté plainte au commissariat, j'ai reconnu mon agresseur sur un placardage, j'ai relancé une fois, deux fois le commissariat, et puis rien. Ça fait quatre ans. À quoi ça sert d'aller porter plainte? À rien".

"Il y a très peu de plaintes déposées concernant les frotteurs dans le métro", souligne une source policière. "Les rames de métro sont bondées, les femmes ne voient pas l'agresseur, il n'y a pas de caméras, elles ne déposent pas plainte".

Pourtant, il existe à Paris "une brigade spécialisée dans la poursuite des frotteurs", mais "cette dernière est davantage saisie de faits avec violence ou répétitifs", indique cette source.

- Définition -

Selon la loi du 6 août 2012, le harcèlement sexuel est "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante".

"Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers".

- Une nouvelle infraction? -

Le gouvernement prépare pour 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.

Pour lutter contre le harcèlement de rue, la garde des Sceaux avance une piste: la création d'une infraction pour "outrage sexiste". Selon elle, "à titre symbolique, ce serait important qu'il y ait ce type de contravention".

"L'arsenal juridique est suffisant", rétorque Virginie Duval, présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, premier syndicat de magistrats). Interrogée par l'AFP, elle estime que "la notion de harcèlement sexuel est clairement définie".

La principale difficulté réside dans le fait que les victimes ne portent pas plainte. "Si la justice n'est pas saisie, il n'y aura jamais de condamnation", explique-t-elle.

- L'arsenal juridique -

Pour elle, aucun "trou dans la législation". Outre le harcèlement, d'autres infractions à caractère sexuel existent: "Quand un homme dans la rue dit à une femme +Salut poulette, tu suces?+, c'est de l'injure publique. S'il ouvre sa braguette, c'est de l'exhibition sexuelle, une atteinte sexuelle punie par la loi".

Même s'il s'agit d'une "infraction qui n'a pas de trace", il existe des "éléments matériels", relève Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature (SM). "Cela peut être des témoignages, même indirects, qui viennent corroborer des déclarations. Par exemple, des termes très spécifiques que pourrait utiliser l'agresseur, ou le fait que de nombreuses plaignantes allèguent les mêmes choses".

L'omerta ne vient pas d'une faille juridique, selon Clarisse Taron. "Il faut d'abord inciter les femmes à porter plainte, lutter contre le sexisme, l'inégalité homme/femme: c'est un problème de société, pas un problème de droit".

L'exhibition sexuelle est punie d'un an de prison et 15.000 euros d'amende, le harcèlement sexuel de deux ans et 30.000 euros d'amende.

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