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Hassan, frère d'une victime de bavure devenu policier et "apaisé"

Hassan Ben Mohamed n'a que quatre ans quand son frère est tué en 1980, victime d'une bavure policière. Devenu policier "par un concours de circonstances", il livre un regard "apaisé" sur la police et la banlieue.

18 octobre 1980, Marseille. Lahouari Ben Mohamed, 17 ans, enfant de la cité des Flamants dans les quartiers nord de Marseille où vit toute sa famille d'origine marocaine, meurt sous les balles d'un CRS lors d'un contrôle de routine.

Une bavure pour laquelle l'auteur fera quelques semaines de prison, rien de plus, et sera révoqué de la police.

Octobre 2015, trente-cinq ans après. Son frère Hassan, 39 ans aujourd'hui, a fait son "devoir de mémoire", dit-il dans un entretien à l'AFP, car "tout cela me mine et mine encore ma famille. Je voulais comprendre. Mais je suis apaisé".

Il sort jeudi un livre, "La gâchette facile" (Éditions Max Milo) après avoir, "cinq ans durant", rencontré tous les acteurs de ce drame: frères, soeur, mère, amis, éducateur, journalistes. Et même l'auteur de la bavure qui vit toujours à Marseille, loin du quartier. "Dans une forteresse, il doit avoir peur de quelque chose", sourit Hassan qui se dit déçu par cette rencontre.

Hasard ou revanche - il n'en dit rien dans le livre -, Hassan est devenu policier. D'abord comme emploi-jeune à l'Évêché, le siège de la police de Marseille, puis comme gardien de la paix à Paris, dans un arrondissement puis à la Brigade anticriminalité (BAC). Il est maintenant en disponibilité.

"La police c'est un concours de circonstances", jure-t-il. "Je ne savais pas trop quoi faire après un bac pro, j'y ai mis un pied pour voir sans y avoir un pied, comme chauffeur, j'ai rencontré des anciens dont un copain de mon père. Ça m'a attiré."

C'est tout? "C'est tout", insiste-t-il avec calme et aplomb. "Il n'y avait aucun désir de revanche. Ma mère s'y est opposée puis a accepté à condition que je ne rentre pas dans les CRS!"

- 'Imbécile immature' -

"La police", ajoute-t-il avec l'impérieux désir de ne pas "trop évoquer l'Institution", encore moins la dénigrer, "ce n'est pas un ramassis de +fachos+ et +d'alcoolos+. Ça a beaucoup changé".

Il dit y être entré avec appréhension avant que sa vision du métier évolue. "Je voulais casser les clichés", consent-il finalement à admettre. Précisant, mais sans rentrer dans les détails, qu'il a parfois dû intervenir dans des situations "chaudes" lors de confrontations avec des jeunes.

Dans son livre, il écrit que "tirer sur une personne, c'est la hantise de tous les policiers" et que son frère a "croisé le chemin d'un imbécile immature".

Pour le reste, il parle de "chasse" et "d'adrénaline" comme tous les "bacqueux" - les policiers de BAC - souvent raillés dans les quartiers populaires.

Ces endroits, il les connaît bien. Il retourne fréquemment aux Flamants. "Il n'y a pas que des tueurs à la kalachnikov", témoigne-t-il même s'il en a vu beaucoup disparaître à la suite de règlements de comptes "sans passer la quarantaine".

"Il y a un vivier de talents, une ambiance de partage à nulle autre pareille", fait-il valoir. "Le problème c'est qu'on a laissé ces cités au trafic" de stupéfiants, "tout le monde en souffre" mais "il faut que ça change".

"Grâce au livre, on peut faire avancer les choses", espère Hassan avant de conclure: "quoi qu'il arrive il faudra bien un jour une réponse à le mort de mon frère".

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