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Jean-Michel Blanquer, un ministre de l'Education qui déroute

Pragmatique ou polémique? Conservateur ou réformateur? Trois mois après sa nomination, le nouveau ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer envoie des signaux "brouillés" qui déroutent le monde éducatif.

"Chaque ministre de l'Education arrive avec son style. On a eu +je vais tout casser+ avec Claude Allègre, +je vais tout refonder+ avec Vincent Peillon. Lui a adopté le style +techno+", résume François Dubet, sociologue spécialiste de l'éducation. "Il a une très grande connaissance de l'école et est convaincu qu'il faut changer de modèle."

Contrairement à nombre de ses prédécesseurs, Jean-Michel Blanquer, qui aborde lundi sa première rentrée, connaît bien les rouages de cette gigantesque machine qu'est l'Education nationale.

Recteur de l'académie de Guyane (2004-2006) puis de celle de Créteil (2007-2010), la deuxième de France par sa population scolaire, cet agrégé de droit public a surtout été directeur général de l'enseignement scolaire (Dgesco) de 2010 à 2012, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ce poste est considéré comme le numéro deux officieux du ministère de l'Education nationale.

A Créteil, il avait gagné le surnom de "boîte à idées", en multipliant les expérimentations. A la Dgesco, il a appliqué la politique du président Sarkozy, qui s'est traduite dans l'éducation par la suppression de 80.000 postes.

Cet homme de 52 ans, plutôt classé à droite, multiplie les appels du pied aux "segments conservateurs" de la population depuis son arrivée rue de Grenelle, décrypte François Dubet.

Dans ses nombreux entretiens accordés à la presse, M. Blanquer souhaite le retour du redoublement tout en le gardant exceptionnel --c'est déjà le cas--, la suppression de la méthode de lecture globale --elle n'est plus pratiquée depuis longtemps--, l'apprentissage de La Marseillaise au CM1 --où elle figure au programme depuis plusieurs années.

Cet homme d'apparence austère et à la parole sous contrôle se fait le chantre de l'enseignement des langues anciennes, mises à mal par la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem selon les professeurs de lettres classiques, et des Fables de la Fontaine.

Autant de "signaux" qui plaisent aux parents, explique François Dubet. "Qui peut être contre la lecture des Fables par les enfants?".

- 'Idées du passé' -

Ses propos agacent une partie des syndicats enseignants. "Il se présente comme un homme neuf tout en passant tout son temps à ressusciter les idées du passé", s'agace Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa, un syndicat habituellement modéré.

"Au final, le message est brouillé", ajoute Frédérique Rolet, du Snes, premier syndicat des professeurs du second degré.

Sa réforme phare de lutte contre les inégalités sociales (douze élèves par classe en CP et CE1 dans les quartiers défavorisés) commence à être mise en oeuvre dès cette rentrée. Mais elle s'accompagne de grincements de dents d'une partie des enseignants, pourtant très favorables à des effectifs réduits, qui regrettent que la mesure rogne sur un autre dispositif.

D'autres, tels que le Snalc, un syndicat perçu comme "traditionnel", applaudissent. "Ses premières mesures vont clairement dans le bon sens", juge Jean-Rémi Girard, vice-président de cette organisation.

"Son discours est bien accueilli par le personnel de direction", note Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat des chefs d'établissement, le SNPDEN, qui apprécie les notions d'"autonomie" et de "confiance" mises en avant par le nouveau ministre.

Jean-Michel Blanquer, lui, veut dépasser les clivages idéologiques qui empoisonnent l'Education nationale et assure s'appuyer sur des études internationales, les évaluations des dispositifs ou encore les neurosciences, qu'il cite régulièrement.

"Ce que nous disons, nous le faisons", déclare le ministre.

"Ce qu'il laisse entendre comme mesures à prendre est extrêmement lourd", relève François Dubet: autonomie accrue des établissements pouvant aller jusqu'au recrutement des profs par les chefs d'établissement, réforme du bac...

"Pour l'instant, il y a eu une rafale de mesures qui correspondaient à des promesses de campagne d'Emmanuel Macron", observe la présidente de la première fédération de parents d'élèves (FCPE), Liliana Moyano. "Nous voulons maintenant savoir quelle est sa vision pour l'école".

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