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L'Assemblée rejette une mesure controversée contre les déserts médicaux

L'Assemblée nationale a rejeté dans la nuit de jeudi à vendredi une mesure de lutte contre les déserts médicaux précédemment avalisée en commission, mais qui avait provoqué une levée de boucliers du gouvernement et de la profession.

Cet amendement de la commission des Affaires sociales au projet de budget de la Sécurité sociale entendait dissuader les médecins libéraux de s'installer dans une zone où exercent déjà de nombreux médecins, à moins qu'un autre ne s'en aille.

Son auteur Annie Le Houerou (PS) avait défendu "un dispositif de régulation de l'installation qui existe déjà pour de nombreux autres professionnels de santé", comme les pharmaciens ou infirmiers.

L'amendement stipulait que "dans les zones (...) dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d'offre de soins, le conventionnement à l'assurance maladie d'un médecin libéral ne peut intervenir qu'en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans la même zone".

Des députés de gauche comme de droite ont soutenu de façon véhémente l'idée dans l'hémicycle: de Sylviane Bulteau (PS) déplorant qu'en Vendée il faille recourir à des "doctor dating" pour attirer des médecins, à Jean-Louis Costes (LR) évoquant "une situation intenable" dans le Lot-et-Garonne et appelant à "trouver une solution".

Mais la ministre de la Santé Marisol Touraine a opposé son "avis résolument défavorable". "Je pense que cette mesure est inefficace, injuste, et ouvrirait la voie à des pratiques problématiques", a-t-elle argumenté.

"Des médecins qui ne voudront pas s'installer à Guingamp ou à Loches" sortiront du système de santé en travaillant par exemple pour des cabinets d'assurance, d'après la ministre. D'autres médecins feront "le choix volontairement du déconventionnement" pour s'installer où ils le voudront et "leurs patients ne seront pas remboursés", ce qui créera "une médecine à deux vitesses".

En outre, "vous allez ouvrir la voie à un marché des cabinets libéraux" pour leur revente, a lancé Mme Touraine.

Elle a reçu le soutien notamment de Bernard Accoyer (LR) pour qui "seul le volontariat peut être une solution".

"Les médecins ne sont pas favorables à ce dispositif" mais "j'ai montré dans le passé que lorsque je croyais les mesures justes et bonnes je les prenais", a aussi souligné la ministre dans une allusion au tiers payant généralisé.

L'Assemblée a largement rejeté l'amendement, après une prolongation de séance au-delà d'une heure du matin et des interventions de nombreux députés eux-mêmes médecins de profession.

Les médecins libéraux (CSMF, SML) s'étaient fortement mobilisés depuis l'examen en commission il y a une semaine pour faire échouer cette volonté de "contraindre la liberté d'installation".

Pour sa part, l'association UFC-Que Choisir avait demandé aux députés d'adopter la mesure, "indispensable" selon elle pour lutter contre les déserts médicaux, les appelant à "ne pas céder aux pressions des lobbies".

Précédemment dans la soirée, l'Assemblée avait voté la création, sur proposition du gouvernement, d'un contrat de "praticien territorial médical de remplacement" pour des jeunes médecins libéraux s'engageant en zones sous-dotées, avec notamment la garantie d’un niveau minimal de rémunération.

Rappelant diverses mesures déjà mises en place en faveur de l'installation dans ces zones, comme les maisons de santé, le socialiste Michel Issindou a glissé que les candidats à la présidentielle "dans quelques semaines seront amenés à proposer des idées sur le sujet".

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