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L'avenir de la Polynésie suspendu à une guerre des clans entre Flosse et Fritch

L'exclusion du président de la Polynésie française, Edouard Fritch, de son propre parti par son ancien mentor Gaston Flosse et la création d'une nouvelle formation entérinent le divorce entre les deux hommes et font craindre le retour de l'instabilité.

Les relations entre le "Vieux lion" et son ex-gendre n'ont cessé de se détériorer depuis septembre 2014. Il y a un an, Gaston Flosse a perdu tous ses mandats après une condamnation définitive à trois ans d'inéligibilité dans une affaire d’emplois fictifs.

Sans surprise, son dauphin Edouard Fritch a été élu pour lui succéder à la présidence du "Pays", après avoir été plusieurs fois ministre, puis vice-président, dans ses différents gouvernements. Mais une fois en poste, il a pris ses distances, soucieux d'incarner une ligne plus réformatrice et une gestion plus transparente après les affaires de l'époque Flosse.

Présentations de candidats différents aux sénatoriales, invectives par médias interposés, recours devant les tribunaux: la tension a grimpé dans le parti, bientôt scindé entre pro-Flosse et pro-Fritch.

Point d'orgue, la réunion mardi soir du bureau politique du Tahoeraa chez son président Gaston Flosse, 84 ans, pour décider d'exclure M. Fritch, 63 ans dont 35 comme membre du parti.

Sans attendre le vote du grand conseil vendredi, M. Fritch a soldé les comptes: "C'est fini. Ma vie au Tahoeraa est terminée." Il a déclaré mercredi (jeudi à Paris) à l'AFP vouloir construire "une nouvelle famille politique", assurant que "nombreux" étaient ceux qui veulent "se battre pour une certaine idée du développement de la Polynésie française".

Egalement maire de Pirae, il avait déjà commencé il y a deux semaines la consultation de ses militants en organisant des réunions sur ce sujet.

Autonomiste convaincu, Edouard Fritch devrait pouvoir compter sur une base de 14 élus à l'Assemblée locale, tous issus du Tahoeraa et tous récemment exclus de ce même parti, qui se sont regroupés dans un nouveau groupe, le Tapura Huiraatira.

- Spectre de l'instabilité -

La rupture consommée entre les deux leaders n'augure rien de bon en terme de gouvernance alors que des dossiers lourds doivent être votés d'ici la fin de l'année: réforme de la protection sociale généralisée (PSG) qui régule les régimes déficitaires de la maladie et de la retraite, réformes fiscales avec la mise en place de la fiscalité communale. Enfin, Edouard Fritch aura à faire adopter le budget primitif 2016.

Ces dossiers cruciaux pour la collectivité à la grande autonomie risquent de s'engluer dans le jeu politique.

A l'Assemblée, plus aucun groupe n'a la majorité. Edouard Fritch ne peut compter que sur l'appui certain de 24 élus (8 A ti’a Porinetia et 14 Tapura Huiratira). Or, la majorité est à 29 voix sur 57 représentants.

L’UPLD (11 voix), groupe indépendantiste, et le Tahoeraa de Gaston Flosse (22 voix) pourront alors tirer profit pour faire passer leurs amendements et mettre en échec la politique gouvernementale.

Cette situation d'instabilité rappelle les heures sombres des dix dernières années : 13 gouvernements et 10 motions de censure se sont succédés entre 2004 et 2013. En 2010, dans un jeu politique similaire, la collectivité s'était même retrouvée sans budget voté pendant près de quatre mois.

La Polynésie française traversait alors une grave crise économique doublée d'une crise institutionnelle majeure qui a obligé la France a intervenir plusieurs fois pour modifier son statut d'autonomie qui la régit et sécuriser les gouvernements (loi Estrosi en 2007, loi Penchard en 2011).

Interrogée jeudi à Paris, la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin "souhaite que l'efficacité de l'Assemblée ne soit pas impactée". "S'il devait y avoir des incidences sur la vie de l'Assemblée, on verrait si l'Etat doit faire quelque chose mais pour l'instant il n'y pas de motif de nous en mêler", a-t-elle dit à l'AFP.

L'Assemblée peut être dissoute par décret du président de la république sur demande du gouvernement local. "Chiche!", avait répondu Gaston Flosse à cette éventualité.

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