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L'ENA a imposé la "méritocratie" dans la haute fonction publique

L'école nationale d'administration (ENA), qui fête ses 70 ans cette année, a réussi à imposer la "méritocratie" dans la haute fonction publique, selon sa directrice Nathalie Loiseau, qui reconnaît toutefois que le recrutement pourrait être davantage diversifié.

QUESTION: Pourquoi a-t-on créé l'ENA en 1945? L'ambition des fondateurs de démocratiser l'accès à la haute fonction publique est-il un succès?

REPONSE: C'est un processus. La haute fonction publique pendant la Seconde guerre mondiale avait été divisée entre résistants et collaborateurs, donc il y avait besoin d'un grand coup de balai et d'une reprise pour reconstruire le pays. On voulait aussi sortir d'une haute fonction publique, celle des années 30 notamment, qui était assez dynastique, assez népotique et assez partisane.

De ce point de vue, c'est une réussite. Les concours, c'est la méritocratie, à la fois le concours d'entrée et le classement de sortie. Beaucoup de grands serviteurs de l'Etat sont des gens de milieux très divers et qui, par leur seul mérite, ont pu se hisser à des responsabilités élevées.

Nous avons cet atout que beaucoup d'autres pays n'ont pas.

Q: Le recrutement de l’ENA est-il assez diversifié ?

R: Ce manque de diversité est un problème que rencontrent toutes les grandes écoles. On a aujourd'hui un système éducatif qui est plus en forme d'entonnoir que d'ascenseur et nous, on arrive au bout de l'entonnoir, donc c'est très compliqué d'avoir la diversité d'origine, la diversité sociale et même la diversité de genre qu'on aimerait avoir. (S'agissant de la féminisation), on est dans une situation bien meilleure que les écoles d'ingénieurs qui ne dépassent pas 15%.

Il faut travailler sur tous les maillons de la chaîne, depuis le collège. Ma conviction, c'est que l'ambition, le projet professionnel, commencent à se construire dans l'esprit d'un adolescent à partir de la 4e, de la 3e.

On a fait travailler des chercheurs sur l'origine sociale de nos élèves. Ce qu'on constate, c'est une origine sociale moins liée à des moyens financiers élevés qu'à la connaissance. On a à l'ENA, comme dans beaucoup de grandes écoles, un nombre significativement élevé d'enfants d'enseignants et ça dit beaucoup. Cela veut dire que le système scolaire n'est pas forcément lisible par tout le monde. Il fonctionne bien pour ceux qui le connaissent de l'intérieur et il y a certainement à faire de ce côté là.

Q: Quels sont les projets que vous avez portés depuis votre arrivée à la tête de l'ENA en 2012?

R: "On a eu l'occasion de travailler sur les sujets qui étaient nos priorités: revoir le concours d'entrée pour rester dans l'esprit de 1945, c'est-à-dire recruter les meilleurs et de la manière la plus diverse possible, et on a procédé à une réforme qui est mise en oeuvre cette année - le concours se déroule en ce moment dans sa nouvelle formule.

Deuxième étage de la fusée, on a repensé la scolarité, les enseignements, les stages. Les élèves recrutés par le nouveau concours auront à partir de janvier une nouvelle scolarité très axée sur le management public, sur l'éthique et la déontologie, très axée aussi sur l'innovation, une nouvelle manière de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques publiques et une ouverture majeure aux enjeux de la révolution numérique.

Je me fais le reproche de n'avoir pas pu mener encore plus de projets mais les journées n'ont que 24 heures et il faut aussi prendre le temps de la réflexion, de la concertation, du consensus, mais les possibilités sont foisonnantes.

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