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L'héritage Cahuzac à Villeneuve-sur-Lot: un brin de nostalgie, beaucoup de ressentiment

A Villeneuve-sur-Lot, l'ex député-maire socialiste Jérôme Cahuzac fut longtemps célébré pour son aura politique et la manne financière qui l'accompagnait. A la veille de son procès pour fraude fiscale, son héritage se résume à la nostalgie d'une poignée et à un sentiment de trahison largement partagé.

"C'est vrai qu'il était aimé de la population", constate Guillaume Lepers, conseiller départemental des Républicains dans le Lot-et-Garonne. Mais aujourd'hui, dans la petite sous-préfecture de 25.000 habitants, "les gens ont le sentiment d'avoir été trahis. Ce n'est pas son compte caché en suisse qui a choqué les Villeneuvois, c’est le mensonge!", assure l'élu, déplorant le "rejet de la classe politique dans son ensemble" qui a suivi.

Même au sein du PS local, le souvenir laissé par cet homme politique déchu n'est pas rose.

Patrick Cassany, qui lui succède à la mairie en 2012 lorsqu'il devient ministre du Budget, ne souhaite plus en parler. Pour son directeur de cabinet, Yannick Lemarchand, ancien proche collaborateur de Jérôme Cahuzac, "il y a ceux qui lui sont reconnaissants pour ce qu’il a fait mais qui ne voteraient plus pour lui, ceux qui ne veulent plus en entendre parler, et un club très resserré de nostalgiques qui n'arrivent pas à faire le deuil".

Comme Alain Soubiran, son ancien adjoint aux Finances en rupture du Parti socialiste. "Certains de ses amis politiques d'hier lui ont lâchement tourné le dos alors qu'ils lui doivent une bonne partie de leur carrière", accuse-t-il, citant M. Cassany, le président du conseil départemental Pierre Camani, mais aussi le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl, député du Lot-et-Garonne et responsable local du PS au moment de "l'affaire Cahuzac".

Sous couvert d'anonymat, un responsable socialiste local décrypte: "Certains élus de gauche sont très contents de s'être débarrassés de Cahuzac. Tant qu'il était là, ils ne pouvaient exister que dans son ombre".

"Jérôme Cahuzac savait plaire, c'était un charmeur, il aimait aller à la rencontre des gens", confirme Jean-Guy Gillet, ancien entrepreneur marqué à droite mais très proche de l'ancien ministre, qu'il a hébergé durant ses démêlés judiciaires.

- Réserve parlementaire et système Cahuzac ? -

Et quand les sourires et l'entregent politique ne suffisaient pas, Jérôme Cahuzac savait puiser dans sa cagnotte de député (1997-2002 et 2007-2012) et de président de la commission des Finances de l'Assemblée (2010-2012).

Ainsi, pour le "Jumping international de Villeneuve", "sur un budget de 350.000 euros, Jérôme Cahuzac nous donnait 75.000 euros issus de sa réserve parlementaire", explique Jean-Guy Gillet, organisateur de l'événement hippique auquel il a désormais renoncé.

De nombreuses associations et clubs sportifs villeneuvois, dont l'emblématique club de rugby à XIII placé en redressement judiciaire en septembre 2015, ont bénéficié de cette manne.

Un "système" Cahuzac?

"Il donnait beaucoup moins que ce qu'on pense aux clubs sportifs par le biais de sa réserve parlementaire, par contre il a fait venir des sponsors grâce à ses relations", assure Alain Soubiran.

"Il avait compris l'intérêt pour la ville d'organiser une telle manifestation sportive", plaide de son côté Jean-Guy Gillet.

Faire fonctionner ces associations à coup de fonds parlementaires "ne serait plus possible aujourd'hui. Avec Jérôme Cahuzac, elles auraient les mêmes problèmes financiers", souligne le député Jean-Louis Costes (Les Républicains), citant la loi sur la transparence publique de 2013. Une loi qui oblige les députés à publier la liste de leurs bénéficiaires et plafonne les sommes dont ils disposent, adoptée dans la foulée de "l'affaire Cahuzac"...

L'héritage Cahuzac à Villeneuve-sur-Lot, ce sont aussi des dettes qui plombent la ville et la communauté d'agglomérations, touchées de plein fouet par la crise économique.

"Les banques ne voulaient plus prêter de l'argent à la ville pour financer les projets en cours initiés par Jérôme Cahuzac, le Pôle santé par exemple. Il a fallu se battre", raconte un proche de la majorité municipale.

Si certains dénoncent des projets démesurés, d'autres affirment au contraire que l'ancien député-maire a permis à Villeneuve-sur-Lot de rattraper son retard. "Jérôme Cahuzac avait une vision pour cette ville!", clame Alain Soubiran.

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