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L'héritière de L'Oréal est morte juste avant l'annonce du juge dans l'affaire Bettencourt: voici ce qu'il stipule

Epilogue d'un énième procès de l'affaire Bettencourt, la justice bordelaise a relaxé jeudi en appel cinq journalistes poursuivis pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" de Liliane Bettencourt, et estimé que son ex-majordome avait enregistré illégalement la milliardaire pour la protéger et n'était donc "pas pénalement responsable".

Liliane Bettencourt, décédée dans la nuit de mercredi à jeudi, quelques heures avant l'annonce du jugement, était partie civile dans ce dossier.

Paradoxe du dossier, les "écoutes" clandestines réalisées chez l'héritière de L'Oréal par son ancien domestique Pascal Bonnefoy, 53 ans, ont en effet servi à poursuivre certains proches de la vieille dame pour "abus de faiblesse".


Du conflit de famille à l'affaire d'Etat

La tentaculaire affaire Bettencourt, ouverte à l'origine pour un abus de faiblesse de l'héritière de l'Oréal décédée dans la nuit de mercredi à jeudi, alimente depuis près dix ans la chronique judiciaire. En voici les grandes dates:

- 19 décembre 2007: abus de faiblesse
La fille de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt-Meyers, porte plainte pour "abus de faiblesse". Elle soupçonne François-Marie Banier d'avoir profité de la vulnérabilité de sa mère, héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, pour obtenir des centaines de millions d'euros de dons.

- 16 juin 2010: l'affaire devient politique
Médiapart publie des extraits d'enregistrements-pirates réalisés en 2009-2010 par Pascal Bonnefoy, majordome de Liliane Bettencourt, suggérant que le ministre du Travail Eric Woerth, à l'époque trésorier de l'UMP, aurait profité des largesses de la milliardaire pour la campagne de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle de 2007.

- 6 juillet 2010: l'ex-comptable accuse
Claire Thibout, ex-comptable de Liliane Bettencourt, affirme qu'Eric Woerth a pu recevoir en 2007 150.000 euros en liquide pour la campagne de Sarkozy, apportés par le gestionnaire de fortune de la milliardaire, Patrice de Maistre. Mais elle sera mise en examen le 27 novembre 2014, pour faux témoignages et attestation mensongère, puis le 28 septembre 2015, pour "faux témoignage aggravé", ayant reçu un don de 400.000 euros et un prêt de 300.000 euros de Françoise Bettencourt-Meyers. Celle-ci sera mise en examen le 7 juillet 2016 pour subornation de témoin. Eric Woerth perd son portefeuille ministériel lors du remaniement gouvernemental du 13 novembre 2010.

- 14 décembre 2011: premières mises en examen
François-Marie Banier est mis en examen, notamment pour abus de faiblesse. Patrice de Maistre est mis en examen le lendemain. Le 8 février 2012, Eric Woerth est mis en examen pour trafic d'influence passif et recel. Le 21 mars 2013, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour abus de faiblesse.

- 7 octobre 2013: Sarkozy blanchi
Nicolas Sarkozy obtient un non-lieu. Dix prévenus, dont MM. Banier, de Maistre et Woerth sont renvoyés en correctionnelle.

- 28 mai 2015: Banier condamné, Woerth relaxé
François-Marie Banier est condamné en première instance à 3 ans de prison, dont 6 mois avec sursis, 350.000 euros d'amende et 158 millions d'euros de dommages-intérêts à Liliane Bettencourt. Il sera condamné en appel à quatre ans de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende pour "abus de faiblesse" en août 2016. La cour supprimera les dommages-intérêts.

Patrice de Maistre est condamné à 30 mois de prison, dont 12 avec sursis, et 250.000 euros d'amende. Il renoncera le 29 octobre à faire appel. Eric Woerth est relaxé.

- 12 janvier 2016: l'ex-majordome relaxé
L'ex-majordome Pascal Bonnefoy et cinq journalistes, poursuivis pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" de Liliane Bettencourt, sont relaxés à Bordeaux. La relaxe est confirmée en appel le 21 septembre 2017.

- 10 août 2017: non-lieu pour Françoise Bettencourt-Meyers
Le parquet de Paris requiert un non-lieu dans l'affaire de subornation de témoin dans laquelle Françoise Bettencourt-Meyers est mise en examen depuis juillet 2016, accusée par M. Banier d'avoir fait pression pour obtenir de faux témoignages contre lui. Le réquisitoire indique que les deux parties ont trouvé un accord pour mettre fin à ce litige.


Les écoutes se sont retournées contre l'entourage de la milliardaire

Dans son arrêt, la cour d'appel a considéré que les journalistes n'avaient "pas eu intention de porter atteinte à l'intimité de la vie privée" de l'héritière de L'Oréal. Les enregistrements relayés par la presse, ont même eu aux yeux des juges "un caractère effectivement décisif (...) pour la recherche de la vérité" dans l'affaire Bettencourt.

Ces "écoutes" pirates avaient servi à condamner l'entourage de l'héritière de L'Oréal pour "abus de faiblesse", notamment son "confident", le photographe François-Marie Banier. "Même si, avec loyauté, Pascal Bonnefoy a admis que sa démarche en mai 2009 était au départ de se protéger lui-même, il avait déjà depuis plusieurs mois perçu l'influence grandissante que prenait François-Marie Banier dans la maison Bettencourt, dont à l'évidence, il ne pouvait cacher qu'elle lui paraissait malsaine", souligne ainsi l'arrêt de la cour d'appel.


Le majordome blanchi

Pour la justice, Mme Bettencourt a donc "finalement été protégée malgré elle par l'acte accompli" par son majordome, qui remplit ainsi toutes "les conditions relatives à l'état de nécessité et n'est pas pénalement responsable des actes qu'il a commis".

En première instance, le tuteur de la milliardaire, Olivier Pelat, avait lui-même fait l'éloge de Pascal Bonnefoy, évoquant "un homme bien qui a fait ce qu'il fallait faire" pour protéger sa patronne, qui aurait fêté ses 95 ans le 21 octobre.

Pascal Bonnefoy n'en a pas fini avec la justice: une procédure pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" après une plainte, cette fois, de François-Marie Banier, est toujours pendante à Bordeaux.

A Paris, le parquet a requis un non-lieu général dans la procédure pour subornation de témoin dans laquelle Françoise Bettencourt Meyers, fille de la milliardaire, a été mise en examen. Elle était soupçonnée d'avoir accordé un prêt à l'ex-comptable de sa mère, Claire Thibout, témoin-clé de l'accusation dans le dossier d'abus de faiblesse.

Quelques mois avant ces réquisitions, François-Marie Banier et Françoise Bettencourt-Meyers ont toutefois passé un "accord" pour mettre un terme à leurs "litiges". Il revient désormais au juge d'instruction d'ordonner un procès ou de prononcer un non-lieu.

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