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L'île de Chypre divisée s'apprête à élire son président

Les Chypriotes se rendront aux urnes dimanche prochain pour élire leur président, Nicos Anastasiades partant favori pour obtenir un second mandat malgré le récent échec des négociations pour réunifier l'île méditerranéenne divisée depuis plus de 40 ans.

Au terme d'une campagne discrète, le dirigeant conservateur, qui promet de relancer les pourparlers de réunification, est crédité de 30% dans les derniers sondages. Il devrait, sauf surprise, rester à la tête du pays, dont l'économie a rebondi après avoir frôlé la faillite en 2013.

Homme à poigne réputé pragmatique, cet ancien avocat âgé de 71 ans, devrait affronter au second tour (4 février) Stavros Malas, soutenu par le parti communiste, ou Nicolas Papadopoulos (centre), fils d'un ancien président, qui défend des positions plus fermes sur les pourparlers de paix.

A moins d'un accord entre ses adversaires --une option possible selon certains analystes--, la voie semble dégagée pour M. Anastasiades.

Comme attendu, la campagne a eu pour toile de fond la division de l'île qui perdure depuis 1974.

Du fait de la séparation, la République de Chypre - membre de l'Union européenne et de la zone euro - n'exerce son autorité que sur les deux tiers de l'île, dans le sud, où vivent les Chypriotes-grecs. Dans le tiers nord de l'île résident les Chypriotes-turcs qui sont administrés par la République turque de Chypre du Nord (RTCN), autoproclamée et reconnue uniquement par Ankara.

Les deux entités sont séparées par une "zone tampon" sous contrôle des Nations unies.

- Lassitude -

En juillet 2017, après deux ans de pourparlers soutenus par l'ONU pour réunifier l'île, M. Anastasiades et le dirigeant chypriote-turc Mustafa Akinci se sont plus que jamais rapprochés d'un accord. Mais le processus a achoppé sur des divergences tenaces - comme la présence de 40.000 soldats turcs en RTCN -, douchant les espoirs des partisans d'un Etat fédéral bicommunautaire.

Malgré cet échec, M. Anastasiades assure qu'il reste déterminé à reprendre les discussions avec M. Akinci.

"Nous espérons relancer nos efforts immédiatement après l'élection, dans les prochaines semaines", affirme à l'AFP Michalis Sophocleous, directeur du bureau du président. Mais, souligne-t-il, la Turquie doit éclaircir ses positions avant toute nouvelle négociation.

Pour les partisans de la réunification, le scrutin à venir a valeur de test décisif.

"Cette élection montrera si nous pouvons avoir un gouvernement prêt à s'engager jusqu'au bout dans un processus", résume Andromachi Sophocleous, militante au sein de Unite Cyprus Now.

Ce mouvement de la société civile mêlant des Chypriotes-grecs et turcs a multiplié ces derniers mois les initiatives pour promouvoir une réunification.

Mais après des décennies de division, la lassitude a gagné du terrain et le président élu devra relever un défi de taille pour convaincre les sceptiques, de plus en plus nombreux.

Début janvier, les élections législatives dans le Nord ont d'ailleurs été marquées par une progression des partis opposés au plan de paix esquissé par l'ONU.

Et dans le sud, cette présidentielle voit la présence inédite d'un candidat du parti d'extrême droite Elam, qui a remporté deux sièges au Parlement en 2016.

- Reprise économique -

Le président sortant compte toutefois sur la carte économique pour conforter son avance face à ses adversaires et séduire une grande partie des 550.000 électeurs.

Lors de sa prise de fonctions début 2013, M. Anastasiades s'était trouvé face à un secteur bancaire en crise et avait dû négocier un plan de sauvetage de 10 milliards d'euros en échange d'une série de mesures d'austérité draconiennes et d'une restructuration du système bancaire.

Dans la foulée, le pays a connu un redressement aussi rapide qu'inattendu et l'économie n'a cessé de croître depuis 2015, aidée par le boom du secteur touristique qui a connu en 2017 un record historique.

"L'économie a joué un rôle central dans cette campagne, plus que le problème chypriote", estime l'économiste Fiona Mullen, directrice du cabinet de consultants Sapienta Economics.

M. Anastasiades veut mettre en place un fonds pour aider à rembourser une partie de l'argent perdu par les épargnants en 2013 en raison de ponctions bancaires. Les autorités espèrent par ailleurs tirer profit de l'exploration gazière au large des côtes de l’île.

Malgré tout, "la reprise reste relative", affirme à l'AFP Mme Mullen, rappelant que si l'économie croît rapidement, elle est toujours en deçà de son niveau de 2012.

"Le débat n'a pas été poussé très loin, ce qui a permis au président Anastasiades de promouvoir le fait qu'il avait hérité d'une économie en berne et amorcé une reprise", souligne-t-elle.

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